mercredi, 14 décembre 2005
L’histoire aujourd’hui
Voici le texte d’une pétition qui circule actuellement parmi les historiens. Qu’en pensez-vous ?
Émus par les interventions politiques de plus en plus fréquentes dans l’appréciation des événements du passé et par les procédures judiciaires touchant des historiens et des penseurs, nous tenons à rappeler les principes suivants :
L’histoire n’est pas une religion. L’historien n’accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit, ne connaît pas de tabous. Il peut être dérangeant.
L’histoire n’est pas la morale. L’historien n’a pas pour rôle d’exalter ou de condamner, il explique.
L’histoire n’est pas l’esclave de l’actualité. L’historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n’introduit pas dans les événements d’autrefois la sensibilité d’aujourd’hui.
L’histoire n’est pas la mémoire. L’historien, dans une démarche scientifique, recueille les souvenirs des hommes, les compare entre eux, les confronte aux documents, aux objets, aux traces, et établit les faits.
L’histoire tient compte de la mémoire, elle ne s’y réduit pas.
L’histoire n’est pas un objet juridique. Dans un État libre, il n’appartient ni au parlement ni à l’autorité judiciaire de définir la vérité historique. La politique de l’État, même animée des meilleures intentions, n’est pas la politique de l’histoire.
C’est en violation de ces principes que des articles de lois successives, notamment lois du 13 juillet 1990, du 29 janvier 2001, du 21 mai 2001, du 23 février 2005, ont restreint la liberté de l’historien, lui ont dit, sous peine de sanctions, ce qu’il doit chercher et ce qu’il doit trouver, lui ont prescrit des méthodes et posé des limites.
Nous demandons l’abrogation de ces dispositions législatives indignes d’un régime démocratique.
Jean-Pierre Azéma, Élisabeth Badinter, Jean-Jacques Becker, Françoise Chandernagor, Alain Decaux, Marc Ferro, Jacques Julliard, Jean Leclant, Pierre Milza, Pierre Nora, Mona Ozouf, Jean-Claude Perrot, Antoine Prost, René Rémond, Maurice Vaïsse, Jean-Pierre Vernant, Paul Veyne, Pierre Vidal-Naquet et Michel Winock.
Voici ce que précise Le Monde du 14 décembre 2005 : « Livrant une liste non exhaustive, ils [les signataires] visent la loi du 23 février 2005 (sur le "rôle positif" de la colonisation), mais aussi les lois du 13 juillet 1990 (dite loi Gayssot, réprimant la négation de crimes contre l’humanité), du 29 janvier 2001 (reconnaissance du génocide arménien) et du 21 mai 2001 (reconnaissance de l’esclavage et de la traite des Noirs comme crimes contre l’humanité). »
07:00 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (96)
Commentaires
Ici, les noms sont célèbres, ça a plus de poids. Ces gens-là ont leurs entrées dans la presse et les télévisions. Une réponse leur sera apportée, forcément, mais ils n'obtiendront pas gain de cause, à mon avis.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 décembre 2005
"L’histoire n’est pas la morale. L’historien n’a pas pour rôle d’exalter ou de condamner, il explique":
Dans un monde idéal l'historien se contenterait de traiter sans juger mais l'archive choisie au détriment de d'autres considérées comme mineurs, l'approche choisie, l'interprétation qu'il en fait et bien d'autres éléments ont emmené un certain nombre d'historiens (essentiellement historiens de idées ou historiens dit culturels) à établir que l'historien comme les autres est soumis aux phénomènes de Bricolage (défini par Bastide et Freyre), aux courants politiques (qu'ils les combattent ou les approuvent) et comme le signalait de Certeau, l'historien ne fait pas l'Histoire et mais des histoires. J'ajoute que le garde fou est la population qui doit veiller à ne pas le rendre tout puissant en croyant aveuglément à ce qu'ils écrivent c'est à dire en restant vigilants quand il s'agit d'interprétation.
"L’histoire n’est pas l’esclave de l’actualité. L’historien ne plaque pas sur le passé des schémas idéologiques contemporains et n’introduit pas dans les événements d’autrefois la sensibilité d’aujourd’hui.":
certes mais là aussi on risque de retomber dans la justification symptomatique de beaucoup de sociétés. Je pense ici à l'histoire de l'esclavage par exemple. On entend souvent," il faut comprendre que les marchands avaient des impératifs et pensaient autrement que nous et que pour eux ce n'était qu'un commerce". On s'aperçoit en étudiant de très près les archives que les choses n'étaient pas aussi simple, il y a eu sentiments de culpabilité, justification idéologiques après coups et c'était loin d'être juste un commerce. Alors "les comprendre" revient en fait à plaquer son mode de penser à une époque que l'on considère pourtant comme différente voire incompréhensible. Certaines choses sont considérées comme passé et oublié pour certains mais sont encore douloureureuses pour d'autres. Cela devrait suffir à ce qu'on en parle, même s'il y a des enjeux politiques, sociaux liés au débat.
"C’est en violation de ces principes que des articles de lois successives, notamment lois du 13 juillet 1990, du 29 janvier 2001, du 21 mai 2001, du 23 février 2005, ont restreint la liberté de l’historien, lui ont dit, sous peine de sanctions, ce qu’il doit chercher et ce qu’il doit trouver, lui ont prescrit des méthodes et posé des limites.":
ceux qui travaillent en histoire savent aussi très bien qu'on est très largement libre de rechercher et de présenter ce qu'on veut!
Il me semble qu'il y a ici un amalgame qui peut être en fait malsain. Au lieu de lutter contre les freins à la démocratie, ils devraient s'intéresser au cas par cas.
La France est tout de même la première nation dans le monde à avoir reconnue l'esclavage comme un crime contre l'humanité même si elle a pris du retard par la suite sur les questions pratiques (manuels d'histoire etc) pour des raisons politiques. Alors il faudrait oublier ça au même titre que la loi qui réprime la négation comme crime contre l'humanité? Le cas par cas, moi j'dis!!
Désolée pour le trop long développement
Écrit par : Livy | mercredi, 14 décembre 2005
et pour les fautes...
Écrit par : Livy | mercredi, 14 décembre 2005
Ce n'est pas trop long, Livy, au contraire, c'est le genre de propos que j'aime, pas le genre "Ah oui" ou "Bien d'accord". Développez tant que vous voudrez.
Ce qui est amusant, c'est que j'étais chez vous pendant que vous écriviez ici.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 décembre 2005
Ah, oui je viens de voir le commentaire.
Écrit par : Livy | mercredi, 14 décembre 2005
Livy : La France est tout de même la première nation dans le monde à avoir reconnue l'esclavage comme un crime contre l'humanité même si elle a pris du retard par la suite sur les questions pratiques (manuels d'histoire etc) pour des raisons politiques.
La traite négrière était largement étudiée lorsque j'étais collégien, c'était au programme de quatrième. Lorsque j'ai commencé à enseigner il y a quinze ans, il y avait dans le manuel dont on se servait tout un chapitre consacré à cette question, avec par exemple des extraits du Code Noir. On pouvait aussi aborder le sujet par le biais des textes comme celui de Montesquieu ou du Nègre de Surinam par Voltaire. En classe de seconde aujourd'hui, le thème de l'Autre (et donc des textes sur l'esclavage) est au programme de français de manière obligatoire. Je l'ai fait par exemple avec la Controverse de Valladolid ou les histoires de zoos humains. En histoire, la chose est plus difficile car le programme est fort étendu : toute l'époque moderne et le dix-neuvième. Cela passe souvent à la trappe en histoire pour la classe de cinquième car l'époque est trop vaste aussi (de la naissance de l'Islam à la fin des guerres de Religion). Mais normalement c'est dans les instructions.
Écrit par : Dominique | mercredi, 14 décembre 2005
Livy : "ceux qui travaillent en histoire savent aussi très bien qu'on est très largement libre de rechercher et de présenter ce qu'on veut!
Il me semble qu'il y a ici un amalgame qui peut être en fait malsain. Au lieu de lutter contre les freins à la démocratie, ils devraient s'intéresser au cas par cas."
Je crois que ce n'est pas incompatible, et qu'ils (les signataires de la pétition) le font assez largement, au nom de leur éthique d'historiens et de citoyens.
Je crois que les signataires dénoncent surtout une évolution générale effectivement préoccupante, où la sphère politique tend de plus en plus à imposer une parole officielle à laquelle il n'est pas possible de déroger, non pas toujours au nom de principes humanistes fondamentaux (droits de l'homme) mais souvent sous la pressions de "lobbys" mémoriels quels qu'ils soient, et qui me semblent toujours gênants en démocratie, que l'on soit "d'accord" avec ce qu'ils revendiquent ou non.
Ces lobbys ont de plus en plus tendance, au nom d'une identité ou d'une autre (et je me méfie toujours profondément des revendications identitaires, quelles qu'elles soient, au sein de la République), à revendiquer une législation spécifique à "leur" question.
Est-il besoin de distinguer, légalement, "racisme", "antisémitisme", "homophobie", "islamophobie", etc... L'ensemble, finalement, ne se range-t-il pas sous une même étiquette, celle de propos disqualifiants à l'encontre d'êtres humains, quel que soit le motif de la discrimination ?
Distinguer ainsi, n'est-ce pas toujours, implicitement, hiérarchiser ?
Cela ne mène-t-il pas directement aux compétitions mémorielles tellement à la mode ces derniers temps ? Descendants d'esclaves contre descendants de déportés juifs ? Souffrances des Palestiniens contre Auschwitz, etc ?
J'ai l'impression, et cette pétition me conforte, que ces derniers temps, les instances législatives prêtent de plus en plus oreille à ce genre de débats, le lobby dominant du moment parvenant parfois au vote d'une loi.
Je suis toujours gênée face à cette question, dans ma réflexion comme, parfois, dans mes discussions avec des élèves, suite à leurs interrogations très pertinentes là-dessus.
Faut-il une loi pour réprimer la négation des crimes contre l'humanité ?
Entendons-nous bien. Je ne mets pas en instant en doute que ces négations soient inadmissibles, dans leur essence même. Mais cela doit-il tomber sous le coup d'une loi ?
De même pour le génocide arménien.
Il me semble que dans un cas comme dans l'autre, aucun historien un tant soit peu sérieux n'aurait le ridicule de nier ces faits désormais clairement établis. Et qu'il est de la responsabilité de ces historiens (qu'ils assument d'ailleurs dans leur ensemble) de réfuter, scientifiquement et sans sortir de ce domaine, les pseudo-démonstrations des négationistes de tous poils.
Mais en tout état de cause, le fait que la loi délimite un angle d'approche officiel de certaines questions est, en soi, dangereux, et relève d'une confusion des genres inquiétante.
Je crois qu'il faut aussi faire confiance d'une part à la communauté historienne, quand même très largement honnête et scientifiquement rigoureuse dans son immense majorité, d'autre part à l'intelligence de leurs lecteurs, capables d'un regard critique sur les recherches qui leurs sont soumises. Il me semble d'ailleurs qu'une lecture "passive" d'un livre historique est impossible.
Enfin, se pose la question, largement connue de qui a un peu pratiqué l'histoire contemporaine (et ce n'est pas ici l'ancienne élève d'Ory, Garcia et consorts qui parle, mais quelqu'un qui, dans le cadre pourtant déjà modeste d'une maîtrise au sujet pourtant bien peu polémique, s'est heurté à ces questions) du rapport au témoin, à la mémoire.
En tant que mémoire, le passé reste présent pour le témoin. Or, pour travailler de manière rigoureuse en tant qu'historien, il faut établir nécessairement une rupture, considérer le passé comme tel, comme détaché de nous (même si bien évidemment, le choix même de l'objet de recherche par l'historien montre combien ce découpage est illusoire, bien que nécessaire). Et cette rupture est parfois (et c'est bien compréhensible) insupportable au témoin. Or l'historien contemporain travaille, par définition, sous le regard de son témoin. Cela mène parfois à des débats retentissants, quand le travail scientifique (toujours contestable, mais de manière scientifique et non émotionnelle/mémorielle) heurte le souvenir, le ressenti, le vécu (cf la question de la place des historiens lors du procès Papon, la "table ronde" Aubrac au moment de la polémique sur le rôle de Raymond Aubrac, etc.).
Ces questions sont largement connues, posées, débattues (cf. Rousso, Dumoulin, etc.), et quand on travaille sur la mémoire de la résistance ou de l'extermination, on ne s'étonne pas que le choc entre enquête rationnelle à volonté explicative et mémoire toujours vive, constitutive de l'identité du témoin et nécessairement déformée/mythifiée par les années et le statut même de témoin-objet historique de celui qui parle.
Là où la dérive est inquiétante, à mon sens, c'est lorsque cette question de la mémoire ne touche plus les témoins acteurs, mais est investie par les générations suivantes, parfois longtemps après la mort des témoins (cf. question de l'esclavage ou du génocide arménien). Lorsque ces générations, qui "devraient" rationnellement se poser du côté de l'histoire (comprendre/expliquer), se situent du côté d'une mémoire mythifiée puisqu'elle n'est pas la leur et érigée en identité, il y a de très sérieuses questions à se poser, d'une part sur l'état d'une société qui construit pareille névrose du passé, d'autre part sur le rôle du législateur dans tout cela, enfin sur le crédit porté à la communauté historienne par les uns et les autres.
Enfin, il me semble que tout ceci reste confus, ce ne sont que des pistes au réveil...
Écrit par : Fanny | mercredi, 14 décembre 2005
Je vais trop vite...
"on ne s'étonne pas que le choc entre enquête rationnelle à volonté explicative et mémoire toujours vive," => il manque "que le choc soit violent"...
Écrit par : Fanny | mercredi, 14 décembre 2005
C'était un cours d'histoire par Fanny Layani.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 décembre 2005
Pourquoi te crois-tu obligée de dire que c'est confus, chaque fois que tu t'exprimes ? C'est parfaitement compréhensible et bien articulé.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 décembre 2005
Dominique: le texte de loi relatif à la reconnaisance de l'esclavage comme crime contre l'humanité stipule qu'il doit y avoir un remaniement des livres scolaires et cela sans doute afin de tenter de s'éloigner de la présentation "misérabiliste" contestée par quelques historiens et de s'intéresser à autre chose que ce qui a été appelé le schoelcherisme.
Fanny: "Je crois que les signataires dénoncent surtout une évolution générale effectivement préoccupante, où la sphère politique tend de plus en plus à imposer une parole officielle à laquelle il n'est pas possible de déroger, non pas toujours au nom de principes humanistes fondamentaux (droits de l'homme) mais souvent sous la pressions de "lobbys" mémoriels quels qu'ils soient, et qui me semblent toujours gênants en démocratie, que l'on soit "d'accord" avec ce qu'ils revendiquent ou non".
Je ne crois pas que le politique impose "de plus en plus". Il l'a toujours fait et ça ne gênait qu'une poignée de personnes maintenant on lutte "de plus en plus" contre ça et c'est très bien.
Tout à fait d'accord avec vous sur la difficuté de l'historien qui travaille sur une époque sous le regard du témoin mais je résiste à cette idée de valeur émotive vidée car la période dite douloureuse aurait eu lieu il y a longtemps et que "cette mémoire" ne serait plus la leur. C'est une histoire mythifiée sans doute, bricolée (je préfère ce terme car il souligne aussi pourquoi il y a eu besoin de faire ce bricolage) mais la seule contestation qu'ils peuvent se permettre de faire est sur cette histoire bricolée car leurs identités se sont aussi construites par rapport à cette histoire. La contestation reste donc pour moi une chose saine, préférable au silence.
"Lorsque ces générations, qui "devraient" rationnellement se poser du côté de l'histoire":
devraient? rationnellement? Je ne crois déjà pas à la "neutralité objective" de l'historien alors à celle de ceux qui contestent une histoire officielle encore moins.
"je me méfie toujours profondément des revendications identitaires, quelles qu'elles soient, au sein de la République":
j'ai du mal à comprendre en quoi une revendication identitaire remet en cause le principe de la république basé sur le respect des identités (et donc une reconnaissance de leur spécificité même si on ne doit pas en faire un plat). La revendication identitaire est quelque fois une manière de lutter contre l'acculturation totale et non une contestation de l'intégration (preuve peut-être qu'il s'agit d'une intégration "ratée").
Fanny nous sommes au moins d'accord sur ce point: "il y a de très sérieuses questions à se poser, d'une part sur l'état d'une société qui construit pareille névrose du passé, d'autre part sur le rôle du législateur dans tout cela, enfin sur le crédit porté à la communauté historienne par les uns et les autres."
Écrit par : Livy | mercredi, 14 décembre 2005
"C'est une histoire mythifiée sans doute, bricolée (je préfère ce terme car il souligne aussi pourquoi il y a eu besoin de faire ce bricolage) mais la seule contestation qu'ils peuvent se permettre de faire est sur cette histoire bricolée car leurs identités se sont aussi construites par rapport à cette histoire. La contestation reste donc pour moi une chose saine, préférable au silence."
Bien sûr, la contestation est préférable au silence. Mais je ne suis pas persuadée, justement que " la seule contestation qu'ils peuvent se permettre de faire est sur cette histoire bricolée", au nom d'une identité subie. Une identité, ça se construit aussi, non ? Et on ne peut se construire qu'à partir de la contestation (même si elle est une étape essentielle et nécessaire). Je le vois au quotidien avec mes élèves, des adolescents qui souffrent ont tous une histoire difficile. Ceux qui arrivent à s'en sortir, c'est à dire à avoir un regard lucide sur eux-même et la société dans laquelle ils vivent - avec l'espoir de la changer, ce sont ceux qui sortent de cette contestation, pour aller plus loin, construire.
Ou alors, je vous ai mal comprise.
"je résiste à cette idée de valeur émotive vidée car la période dite douloureuse aurait eu lieu il y a longtemps et que "cette mémoire" ne serait plus la leur."
Là encore, il ne s'agit pas de refuser l'émotion. Je crois même qu'elle est au départ de toute démarche historique. Simplement, je crois que pour pouvoir réellement "penser" une question, il faut savoir mettre de côté cette émotion (ce qui ne veut pas dire la censurer).
Je me raccroche encore à mon expérience, c'est la seule chose dont je peux parler avec un semblant de certitude. Lorsque je fais cours en 3e sur la seconde guerre mondiale, je me dois de mettre mon émotion de côté, dès le moment de préparation du cours (et évidemment, encore plus en classe), sinon, je ne fais que du sensationnel, du bouleversant, du choquant, mais je ne donne pas de sens, je ne peux pas réfléchir. Je crois que cette démarche de base dans la construction d'un cours est la même qui prévaut dans la construction d'un travail historique.
"Je ne crois déjà pas à la "neutralité objective" de l'historien alors à celle de ceux qui contestent une histoire officielle encore moins."
Il n'y a pas de neutralité objective de l'historien, il ne me semble pas l'avoir dit. Par définition, à partir du moment où l'historien fait le choix de son sujet d'étude, on est déjà dans l'affectif, dans l'émotionnel, l'irrationnel le plus complet.
Simplement, au cours de l'étude, ce sont les démarches, qui, elles, tendent vers le plus d'analyse et le moins d'implication émotionnelle possibles qui prennent le dessus.
Et c'est en ce nom là qu'il semble insupportable aux signataires de la pétition (et je partage leur position) que la loi impose un angle de vue unique sur une question. C'est nier en son fondement à la fois le travail "scientifique" et rigoureux de l'histoirien, et l'émotion première qui l'aura amené au sujet, puisqu'il est par définition autant d'émotions initiales que d'historiens...
Enfin, je crois.
"j'ai du mal à comprendre en quoi une revendication identitaire remet en cause le principe de la république basé sur le respect des identités"
Justement, le respect des identités, et de toutes les identités de manière égale, en tant que constitutives d'une diversité qui est une richesse, et non en tant que facteurs d'atomisation de la société, et non la compétition entre elles, non le principe de flatter les unes pour mieux les dresser contre les autres, comme c'est bien souvent le cas en France, depuis longtemps.
"La revendication identitaire est quelque fois une manière de lutter contre l'acculturation totale"
Certes, mais l'acculturation totale n'est pas celle de la République, c'est celle de la société marchande actuelle, qui tend à imposer un modèle unique de consommation et d'ostentation tout à la fois. Entre ces deux pôles (revendication identitaire de peur de se dissoudre dans la masse / modèle de consommation normatif), chacun se débat, à sa manière, avec les "armes" qu'il a. Et quand je vois quelles sont les "armes" des adolescents de Bobigny, qui sont nos futurs collègues, concitoyens, etc., je m'inquiète.
Pour le reste, effectivement, nous sommes d'accord.
Écrit par : Fanny | mercredi, 14 décembre 2005
Le parlement européen se pose moins de questions sur certaines recherches historiques :
http://www.lalibre.be/article.phtml?id=10&subid=91&art_id=256821.
Écrit par : Stéphane De Becker | mercredi, 14 décembre 2005
Bonjour Stéphane, merci de venir de Belgique jusqu'à la rue Franklin et de nous indiquer ce lien.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 décembre 2005
Fanny: "...c'est à dire à avoir un regard lucide sur eux-même et la société dans laquelle ils vivent - avec l'espoir de la changer, ce sont ceux qui sortent de cette contestation, pour aller plus loin, construire".
Pendant que certains s'installent dans cette contestation que vous semblez trouver agaçante, d'autres la commencent à peine, d'où peut-être l'impression que la contestation est constante chez ces jeunes de Bobiny ou autre.
Que vous et moi enseignantes mettions de côté la partie émotive pour faire connaître une période aux étudiants est indispensable. C'est lorsque vous parlez des générations qui devraient mettre ça de côté car ce passé est lontain et que ceux qui s'en sortent sont ceux qui réussissent à le faire. Je me répète (je radote déjà!) c'est là où il y a décalage car certains commencent à peine la contestation (publique ou privée).
"l'acculturation totale n'est pas celle de la République, c'est celle de la société marchande actuelle": le problème serait d'après vous, non pas lié aux discordances entre le modèle républicain tel que la France le "pratique" et l'idéal qui est dans les textes mais entre ce modèle enseigné et pratiqué et la société marchandes abusive ?
Décidement j'ai l'impression que cette discussion passionnante pourrait continuer très longtemps surtout quand je lis " Entre ces deux pôles (revendication identitaire de peur de se dissoudre dans la masse / modèle de consommation normatif), chacun se débat, à sa manière, avec les "armes" qu'il a":
Ah bon, ça serait alors la faute de cette société mais nous sommes cette société. Les historiens luttant contre les abus c'est très bien et je la signerais volontier aussi cette pétition mais je ne suis pas convaincue que c'est là que se situe le plus grand combat de l'historien aujourdhui. Je ne suis pourtant pas fondamentalement pas contre la pétition.
Écrit par : Livy | mercredi, 14 décembre 2005
"dans cette contestation que vous semblez trouver agaçante"
Elle ne m'agace pas. Elle est un passage qui me semble essentiel, comme je l'ai écrit. Simplement, certains (et je parle là de trajectoires individuelles, j'essaye autant que possible de ne pas avoir de regard "globalisant" sur mes élèves, même si je ne l'exprime pas bien) ne parviennent pas à en sortir. Alors que d'autres en font une force pour avancer. Je ne dis rien de plus, je crois. Ma question quotidienne est : comment aider les élèves ayant la première tendance à atteindre le stade de la deuxième... Et parfois, c'est difficile.
Je n'avais pas trop envisagé votre question du "décallage" parce que je parlais de trajets individuels et non collectifs... J'y réfléchis.
Je ne saisis pas bien s'il y a de l'ironie ou non dans votre dernier paragraphe... les limites de la "discussion" par écrit.
Oui, nous sommes, aussi, la société. Mais très franchement, vu d'ici, on a vraiment parfois l'impression de peser un poids bien négligeable, et que nos petits efforts portent bien peu.
Vous avez sans doute un autre regard que j'aimerais partager.
"mais je ne suis pas convaincue que c'est là que se situe le plus grand combat de l'historien aujourdhui."
Il ne m'a pas semblé dire cela, ni l'entendre dans le propos des auteurs de cette pétition.
D'ailleurs, les historiens en tant que tels ont-ils un combat à mener ? Pas sûre. Au nom de quoi l'auraient-ils ?
Je crois qu'ils ont, en revanche, un combat à mener, mais autant que plein d'autres, en tant qu'intellectuels, citoyens ayant un peu plus que d'autres accès à l'expression et à la diffusion de cette expression. Mais qu'ils soient historiens n'a pas forcément grand chose à voir là-dedans.
Quel devrait être selon vous "le plus grand combat de l'historien d'aujourd'hui ?"
Mais enfin, en tout cela, on s'éloigne peut-être de la question de départ.
Écrit par : Fanny | mercredi, 14 décembre 2005
Chère Fanny, il n'y a pas d'ironie dans mes propos. Mes questions sont des vraies questions.
""mais je ne suis pas convaincue que c'est là que se situe le plus grand combat de l'historien aujourdhui."
Il ne m'a pas semblé dire cela, ni l'entendre dans le propos des auteurs de cette pétition."
Euh, je n'ai pas dit que vous l'avez dit (j'aurais peut-être dû le préciser par un blanc typographique) je donnais juste mon avis sur le texte du monde et sur cette pétition.
"Je crois qu'ils ont, en revanche, un combat à mener, mais autant que plein d'autres, en tant qu'intellectuels, citoyens ayant un peu plus que d'autres accès à l'expression et à la diffusion de cette expression."
c'est ce que voulais dire le "je ne suis pas convaincue que c'est là que se situe le plus grand combat de l'historien aujourdhui."
Il me semble que la pétition soulève des questions intéressantes et permet de s'interroger sur le rôle, les responsabilités de chacun dans la société dans laquelle nous vivons mais parler de menace pour la démocratie me semble être exagéré.
Stephane: cette article tombe à pic. Il était justement question de Lyon hier. J'approuve cette décision du parlement.
Écrit par : Livy | mercredi, 14 décembre 2005
Flûte, encore une faute "cet" article.
Écrit par : Livy | mercredi, 14 décembre 2005
@ Livy : alors je vois que sur le fond, nous sommes d'accord.
Pour ce qui est des menaces à la démocratie... je suis un peu du genre paranoïaque, je dois dire, et il est vrai que la loi sur "le rôle positif de la colonisation" me paraît clairement dangereuse. Quand on commence à prescrire aux profs ce qu'ils doivent enseigner, on peut tout de même s'interroger sur la démocratie, justement.
Mais enfin, d'autres avec les pieds plus ancrés sur terre que les miens me démontreront, sans doute avec raison, que je m'enflamme trop vite, une fois de plus (je suis spécialiste du genre).
Écrit par : Fanny | mercredi, 14 décembre 2005
C'est une maladie de famille...
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 décembre 2005
Je crois qu'il faut s'enflammer quand on sent le danger mais on n'a pas attendu que les historiens (je "crache dans la soupe" mais j'en mange aussi) se mobilisent pour combattre ce genre d'inepties (ex: le rôle positif de la colonisation). Du temps de mon grand-père ce rôle "positif" était déjà enseigné et pourtant certains combattaient déjà cela. Oui faisons le ouvertement aujourd'hui mais halte aux grands mots. Je précise ce petit discours ne vous est pas adressé Fanny, c'est moi qui m'échauffe maintenant!
Écrit par : Livy | mercredi, 14 décembre 2005
Il faut s'échauffer, c'est l'hiver, tout est gris et froid !
Écrit par : Fanny | mercredi, 14 décembre 2005
Je signale quand même que, dans la blogosphère d'extrême-droite, cette pétition est saluée. Je ne suis pas certain que les signataires recherchaient cet effet-là, assurément pervers.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 décembre 2005
"Est-il besoin de distinguer, légalement, "racisme", "antisémitisme", "homophobie", "islamophobie", etc... L'ensemble, finalement, ne se range-t-il pas sous une même étiquette, celle de propos disqualifiants à l'encontre d'êtres humains, quel que soit le motif de la discrimination ? Distinguer ainsi, n'est-ce pas toujours, implicitement, hiérarchiser ? "
En effet, et même si l'approche communautariste qui a le haut du pavé au Canada me semble mauvaise sur le long terme, la Charte des Droits et Libertés en vigueur par ici ne distingue pas, ne hiérarchise pas ce genre de délits.
Cependant, si on tolère les négationnistes, est-ce qu'on ne tolère pas l'incitation à la haine raciale sous couvert de démocratie ? Lorsque le discours raisonné se butte sur la haine viscérale, on fait quoi ? Lorsqu'un négationniste dont le nom m'échappe mais qui a récemment été expulsé du pays, et dont les écrits haineux, site web etc, deviennent des alibis pour des groupes fachos organisés et qui distribuent, recrutent sur la base de ces idées, doit-on laisser faire au nom d'une liberté d'expression qui est niée par l'idéologie défendue par ces groupes négationnistes ? On parle ici des valeurs qui animent la société occidentale, organisées autour du principe démocratique. Le jeu est possible si on s'entend sur les règles. La négation de l'Holocauste a ses racines dans un racisme qui n'a rien à voir avec l'Histoire et tout avec une idéologie politique qui, si elle n'a pas le haut du pavé, n'en demeure pas moins un virus, plutôt endormi par ici, mais qu'on doit tenir à distance. (C'est pourquoi les infos sur l'université de Lyon qui poursuit ces chimères inquiétantes m'ont semblés alarmantes.) Je m'excuse d'abuser de l'analogie biologique, mais un corps démocratique qui manque d'anti-corps, est-ce que ça n'aboutit pas à une tolérance façon Munich ? (Y'a pas que Fanny qui est parano...)
Fanny: "il y a de très sérieuses questions à se poser, d'une part sur l'état d'une société qui construit pareille névrose du passé, d'autre part sur le rôle du législateur dans tout cela, enfin sur le crédit porté à la communauté historienne par les uns et les autres."
On pourrait penser également que la société est vicitme d'une névrose À CAUSE de son passé. Pour le coup, voilà une analogie psychanalytique dont je ne raffole vraiment pas, mais enfin, et pour évoquer l'Algérie et l'histoire française récente, il me semble qu'il y a là quelques blessures béantes, historiques, dont les témoins sont bien vivants, et dont l'absence de traitement a quelques effets bien sentis, psychosomatiques et autres, sur la société française.
"D'ailleurs, les historiens en tant que tels ont-ils un combat à mener ?"
Ils le livrent de toute façon, à moins de se livrer à l'histoire des us et coutumes. Mais s'il est question de politique, lire l'histoire de l'Europe sous la plume d'un historien de gauche comme Eric Hobswan, c'est accepter que le regard posé, au delà de faits historiques, sera coloré par une sensibilité autre que, disons, celle d'un historien conservateur royaliste.
Écrit par : Benoit | mercredi, 14 décembre 2005
Cela s'appelle la bathmologie en action.
Écrit par : Guillaume, cryptique ? | mercredi, 14 décembre 2005
Benoît : (C'est pourquoi les infos sur l'université de Lyon qui poursuit ces chimères inquiétantes m'ont semblés alarmantes.)
Oh ! mais on n'a même pas parlé de l'incendie de la bibliothèque universitaire de Lyon qui a fait disparaître certaines choses dans les archives... Notez que je n'ai rien dit puisque l'affaire a été classée sans suite par la justice et que l'on n'est donc pas en droit de supposer quoi que ce soit. Le faire serait pure malveillance.
Écrit par : Dominique | mercredi, 14 décembre 2005
Ah oui, ces bibliothèques qui brûlent sans cesse, quand même. Il faut respecter la chose jugée, c'est vrai.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 14 décembre 2005
"Cependant, si on tolère les négationnistes, est-ce qu'on ne tolère pas l'incitation à la haine raciale sous couvert de démocratie ? Lorsque le discours raisonné se butte sur la haine viscérale, on fait quoi ?"
Là est toute la question, et l'on rejoint un débat déjà tenu sous une autre note, sur la place à laisser ou non à l'extrême-droite dans le débat public.
J'oscille entre deux positions.
D'un côté, je me dis que l'arsenal législatif concernant le racisme existe, et me semble correct, même si je ne suis pas experte en la matière. A nous (citoyens) de nous en saisir et de nous en servir plus qu'il ne l'est fait actuellement. Les écrits négationnistes - et surtout les propos de leurs auteurs qui régulièrement dérappent vers le pamphlet vomitif - tombent sous le coup de cette loi : est-il nécessaire d'en faire une de plus, condamnant spécifiquement le négationnisme ? N'est-ce pas lui faire, en fait, de la publicité ?
D'un autre côté, les négationnistes prétendent se placer sur le terrain de la science. Soit. Ils ont donc choisi les armes du duel : c'est sur ce terrain dès lors qu'il nous faut ferrailler. La riposte se fera dans les amphis et les bibliothèques, et loin des prétoires. Là encore, c'est aux historiens, aux étudiants, aux citoyens, d'endosser leurs responsabilités, de démonter les écrits fallacieux de ces pervers de l'histoire.
Quant aux fachos qui se réjouissent de cette pétition... c'était bien sûr prévisible. Fallait-il pour autant ne pas la faire ? Faut-il se taire lorsque l'on sait qu'une partie de ses propos pourront être récupérés par l'extrême-droite qui se complait justement à tenter de sortir de son ghetto en applaudissant à tout rompre, et bruyamment, ses adversaires ?
Il me semble que le cursus scientifique et la biographie de nombre de signataires de la pétition (Vidal-Naquet - cf ses positions sur la guerre d'Algérie, Vernant - ancien résistant et ancien du PC, Pierre Nora - enfant caché pendant la 2GM, etc) suffit à faire taire les glapisseurs au bras tendu quant aux arrières-pensées politiques éventuelles de ce texte.
Enfin, quant à l'opportun incendie de Lyon, je pense que chacun sait à quoi s'en tenir. Mais la justice est passé par là.
Écrit par : Fanny | jeudi, 15 décembre 2005
"Cependant, si on tolère les négationnistes, est-ce qu'on ne tolère pas l'incitation à la haine raciale sous couvert de démocratie ? Lorsque le discours raisonné se butte sur la haine viscérale, on fait quoi ?"
Là est toute la question, et l'on rejoint un débat déjà tenu sous une autre note, sur la place à laisser ou non à l'extrême-droite dans le débat public.
J'oscille entre deux positions.
D'un côté, je me dis que l'arsenal législatif concernant le racisme existe, et me semble correct, même si je ne suis pas experte en la matière. A nous (citoyens) de nous en saisir et de nous en servir plus qu'il ne l'est fait actuellement. Les écrits négationnistes - et surtout les propos de leurs auteurs qui régulièrement dérappent vers le pamphlet vomitif - tombent sous le coup de cette loi : est-il nécessaire d'en faire une de plus, condamnant spécifiquement le négationnisme ? N'est-ce pas lui faire, en fait, de la publicité ?
D'un autre côté, les négationnistes prétendent se placer sur le terrain de la science. Soit. Ils ont donc choisi les armes du duel : c'est sur ce terrain dès lors qu'il nous faut ferrailler. La riposte se fera dans les amphis et les bibliothèques, et loin des prétoires. Là encore, c'est aux historiens, aux étudiants, aux citoyens, d'endosser leurs responsabilités, de démonter les écrits fallacieux de ces pervers de l'histoire.
Quant aux fachos qui se réjouissent de cette pétition... c'était bien sûr prévisible. Fallait-il pour autant ne pas la faire ? Faut-il se taire lorsque l'on sait qu'une partie de ses propos pourront être récupérés par l'extrême-droite qui se complait justement à tenter de sortir de son ghetto en applaudissant à tout rompre, et bruyamment, ses adversaires ?
Il me semble que le cursus scientifique et la biographie de nombre de signataires de la pétition (Vidal-Naquet - cf ses positions sur la guerre d'Algérie, Vernant - ancien résistant et ancien du PC, Pierre Nora - enfant caché pendant la 2GM, etc) suffit à faire taire les glapisseurs au bras tendu quant aux arrières-pensées politiques éventuelles de ce texte.
Enfin, quant à l'opportun incendie de Lyon, je pense que chacun sait à quoi s'en tenir. Mais la justice est passé par là.
Écrit par : Fanny | jeudi, 15 décembre 2005
"Les glapisseurs au bras tendu", ça c'est une image.
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 décembre 2005
Ah, j'ai loupé le train et le débat est terminé. Dommage, il y a tant à dire. En bref:
-L'historien, malgré sa bonne volonté, donne une version tronquée des faits, soit qu’il ait lui-même un a priori sur le thème étudié, soit que certaines sources lui fassent défaut.
- A côté de cela, certains cherchent dans le passé des preuves pour étayer leurs thèses ou corroborer leurs présupposés. Ceux-là pèchent gravement contre leur discipline car ils ne sont pas objectifs. C’est manifestement le cas des révisionnistes mais aussi des nationalistes. Remarquons qu’ils ne se rendent peut-être pas compte de leur attitude subjective et partiale. On l’a vu récemment avec les épisodes des banlieues. Des mêmes faits chacun tirait des conclusions opposées. En gros la gauche dénonçait la misère des banlieues et regrettait qu’on s’y soit mal pris pour intégrer ces gens, tandis que la droite se montrait plus ferme et voulait de l’ordre et des sanctions. Quant à la droite plus extrême, elle tombait dans les propos racistes habituels et réclamait la peine de mort. Remarquons que des gens connus et réputés comme Finkielkraut ont été dans le même sens en voyant dans les émeutes un phénomène de race. Que diront les historiens sur ces événements dans 100 ans ? Sans doute les mêmes choses que les contemporains des faits. Selon leur parti pris ils pencheront d’un côté ou de l’autre et tenteront de trouver les preuves qui étayent leurs théories.
- Remarquons que les historiens ont toujours servi à renforcer l’image d’appartenance nationale (ou plus exactement les états n’ont accepté que les historiens qui allaient dans ce sens). Depuis les Grands Rhétoriqueurs de la Cour de Bourgogne, on ne trouve pas autre chose. La Belgique, par exemple, cet état sans âme né de la volonté de ses voisins pour des raisons politiques a voulu elle aussi justifier son existence par l’Histoire (avec un H). Des gens comme Pirenne ont tenté de prouver qu’il y avait un esprit « belge » depuis le Moyen-Age ou autrement dit que la Belgique n’aurait pas pu ne pas exister. Godefroid Kurth a été dans le même sens. En France , ce n’est pas mieux. On nous présente la construction de l’Etat français comme allant de soi. On oublie de dire que Charlemagne n’était pas français mais allemand, que la zone d’influence de l’époque se situait entre Aix-la-Chapelle et Liège (Herstal, Jupille) alors qu’elle se trouvait du côté de Tournai du temps de Clovis. Après, une fois que Paris sera devenue le centre de l’état, on nous fait croire que les conquêtes successives ne pouvaient pas ne pas avoir lieu, ce qui est faux. La Bourgogne aurait pu l’emporter sur Paris, les Cathares auraient pu l’emporter, etc. Donc on juge d’après la situation actuelle (et avec la meilleure volonté du monde d’ailleurs). Si demain, sous la pression de la CEE, on redonne plus d’importance aux régions, la première chose que l’on fera, c’est enseigner l’histoire locale. Enfin, celle que l’on juge locale aujourd’hui, mais qui demain sera l’histoire de la Bretagne ou des pays d’oc. Pour revenir à la Belgique, ce pays n’existant déjà plus et les gens s’en rendant compte, des réflexions sont à l’ordre du jour pour se demander de quoi demain sera fait (en gros, c’est la Flandre riche et nationaliste qui veut son indépendance) Certains Wallons, se rendant bien compte que demain ils vont se retrouver seuls, disent déjà qu’il faut un état wallon et que donc, la première chose qu’ils feront, c’est réécrire les livres d’histoires. Si les livres « belges » sont effectivement tronqués, qu’en sera-t-il de ces futurs livres wallons ? Ils le seront aussi. Et le problème dépasse la science historique mais englobe toute la culture. Un état wallon, s’il veut trouver sa spécificité, doit être singulier. Or la Wallonie est de langue et de culture française. Donc, certains discours se font déjà entendre qui visent à n’enseigner que des auteurs belges francophones dans les écoles, ceci afin de créer une unité culturelle distincte. Remarquons en pasant que c’est ce que fait le Canada francophone il me semble. Il étudie d’abord ses propres auteurs (et il a bien raison, car s’il ne le fait pas, qui le fera ?) Enfin, tout cela pour dire que les princes savent se servir des historiens pour renforcer leur pouvoir. Méfions-nous donc des historiens médaillés, c’est qu’on leur doit quelque chose et qu’ils se sont peut-être compromis quelque part.
- Quant aux lois qui imposent certaines vérités, je m’en méfie beaucoup. Plutôt que d’interdire le négationnisme, n’est-il pas plus simple de relever les incohérences du discours tenu par ses partisans ? Une fois tombés dans le ridicule, ils ne s’en relèveraient pas. Par contre, une loi qui interdit de dire quelque chose est dangereuse, car qui décidera de ce que l’on peut dire ou non ?
Écrit par : Feuilly | jeudi, 15 décembre 2005
Deux petites fautes:
réécrire les livres d’histoire (et non d'histoires): lapsus révélateur.
Paris sera devenu (et non devenue)
Écrit par : Feuilly | jeudi, 15 décembre 2005
Feuilly, notre ami belge qui ne supporte pas d'être belge... Une bonne partie des participants de ce lieu est belge, Feuilly, tu n'es pas seul. Courage. La Belgique est un pays formidable et ses habitants sont adorables, voilà.
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 décembre 2005
Nuance, il est parfois difficile de se sentir étranger dans son propre pays, c'est tout.
Pour le reste, je ne suis pas le seul? Bien sûr, l'Union fait la force, c'est bien connu.
Écrit par : Feuilly | jeudi, 15 décembre 2005
On t'aime bien, Feuilly, tu le sais.
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 décembre 2005
Personnellement, je supporte très bien d'habiter en Belgique mais je ne me sens pas très belge. Liégeoise, oui, et puis européenne convaincue, mais entre les deux il y a un maillon faible.
Écrit par : lamkyre | jeudi, 15 décembre 2005
Je propose de faire se retrouver Lamkyre et Feuilly, qui nous diront comment ils font pour ne pas se sentir belges. Après quoi, je demanderai la nationalité belge, pour compenser. :-))
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 décembre 2005
Je le sais. D'ailleurs je m'installe assez souvent rue Franklin, avec couette et bagages. Que les tenanciers en soient remerciés.
Mais le débat tournait autour des historiens et non de ma personne... Le cas de la Wallonie n'était cité que pour montrer à quoi peut servir l'histoire. Et il n'y a pas que les états à s'en servir. Les idéologies aussi, évidemment. On peut étudier le Moyen Age du point de vue des seigneurs ou du point de vue du peuple. On le peut le faire par le biais d'une race (ex.: l'apport des personnalités juives dans l'histoire de la France) ou d'un groupe (l'influence de la franc-maçonnerie). Toutes ces histoires seront correctes, finalement, seul l'éclairage change. C'est pourquoi les témoins directs s'opposent souvent à l'historien. Ils ont leur version des événements et l'historien a la sienne. Il est donc plus à l'aise avec les archives, là personne ne vient lui dire qu'il se trompe. Et pourtant il se trompe probablement. Ou du moins il n'envisage qu'un aspect des choses. D'où la mode, à une certaine époque, de réécrire tout selon une approche marxiste. Aujourd'hui on nous donnerait plutôt la version du capital.
Écrit par : Feuilly | jeudi, 15 décembre 2005
Mouais... Je préférais l'approche marxiste, en tout cas...
Sérieusement : je crois qu'un point n'a pas été abordé depuis le début de cette discussion. Qu'est-ce que le raisonnement historique, plus exactement : qu'est-ce que raisonner en historien ? Fanny répondra certainement, mais j'aimerais aussi que les autres répondissent.
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 décembre 2005
Il faut croire que les policiers des Renseignements généraux sont tous de gauche : ils ont établi dans leurs rapports que les causes des événements de banlieue étaient sociales, économiques et qu'elles n'avaient strictement rien à voir avec une manipulation de religieux, l'intervention de gangs de trafiquants ou une quelconque revendication ethnique.
Écrit par : Dominique | jeudi, 15 décembre 2005
Ce qui était d'ailleurs l'évidence même, malgré tous les propos pousse-au-crime qui furent tenus. Je suis bien content cependant que les RG l'aient annoncé officiellement, d'abord parce que ça chatouillera les pieds de Sarkozy à l'en faire crever ; ensuite parce que ça donne une caution de sérieux à une analyse qui était simple à faire. Les RG ne font pas de sentiment, ils collationnent des faits et les analysent sociologiquement et socialement, afin que le gouvernement puisse en tirer les conséquences. Ce sont des "techniciens", si je puis dire, c'est leur travail. Ce rapport, d'ailleurs, prouve qu'ils ne sont pas manipulés et ne sont pas aux ordres du ministère de l'Intérieur.
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 décembre 2005
"Ce rapport, d'ailleurs, prouve qu'ils ne sont pas manipulés et ne sont pas aux ordres du ministère de l'Intérieur"
Ce rapport est manipulé, la ficelle est trop grosse. On leur a sûrement donné des ordres en vue de calmer la situation. Il est frappant de constater que les RG se contredisent à un an de distance :
"Parfois, constatent les RG, outre le repli sur la culture d'origine et le rejet des valeurs occidentales, se construit une sorte d'identité négative, qui mélange les cultures d'origine, les valeurs des cités et des références rudimentaires à l'islam."
http://www.minorites.org/article.php?IDA=2546
Pas de revendication ethnique, dites-vous ?
Écrit par : Sébastien | jeudi, 15 décembre 2005
Moi je veux bien, Sébastien, mais s'ils ont, sur ordre (de Sarkozy ?) établi un rapport dont les conclusions font mentir Sarkozy, alors, c'est de la shizophrénie ou quoi d'autre ? De la propagande par antiphrase, en quelque sorte ?
Comprenons-nous, je ne fais pas des fonctionnaires des RG, des modèles de vertu et d'intégrité. J'observais simplement qu'ils ont fait preuve, en cette circonstance précise, d'indépendance d'esprit.
Si vous avez raison, toutefois, il s'agit alors de manipulation au quinzième degré.
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 décembre 2005
C'est de la propagande, il n'y a pas d'autre mot. J'ignore qui a donné l'ordre précisément mais il est probable qu'il vient du Premier ministre. Sarkozy n'est que le numéro deux du gouvernement, ne l'oubliez pas. Les RG sont des fonctionnaires, je ne pense pas qu'ils se permettraient de faire preuve d'indépendance d'esprit. Ils obéissent si on leur en donne l'ordre. Et le but est d'éviter des représailles de Français de souche contre des Noirs et des Maghrébins, car deux Blancs sont morts pendant ces émeutes. En outre, rappelez-vous ce qui s'est passé à Perpignan cette année, où des affrontements ont eu lieu entre deux communautés. Je crois que la hantise du gouvernement est que la situation devienne incontrôlable.
Cette propagande s'inscrit dans la continuité de la censure qui a sévi dans les médias pendant ces événements, comme l'a reconnu le directeur de LCI :
"One of France's leading TV news executives has admitted censoring his coverage of the riots in the country for fear of encouraging support for far-right politicians. [...] "Politics in France is heading to the right and I don't want rightwing politicians back in second, or even first place because we showed burning cars on television," Mr Dassier told an audience of broadcasters at the News Xchange conference in Amsterdam today".
http://media.guardian.co.uk/site/story/0,14173,1639538,00.html
Écrit par : Sébastien | jeudi, 15 décembre 2005
C'est une réponse qui se tient (en tout cas, si le but est d'éviter des représailles, alors, on a eu raison de faire ça). Qu'en pensent les autres ?
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 décembre 2005
La thèse du complot est sortie par pratiquement tous les ministres de l'Intérieur ou de l'Éducation nationale ou de la Justice lorsqu'ils ont des difficultés dues souvent à leur incompétence. Généralement, c'est le complot trotskyste ; là c'est le complot islamiste, cela ne tient pas debout : l'agité de Neuilly a chaussé simplement les bons vieux clichés qui plaisent dans le bon peuple du journal de 20 heures, sans même s'attarder sur le fait que les prévenus étaient dans beaucoup de régions comme le Nord presque tous des Européens.
Écrit par : Dominique | jeudi, 15 décembre 2005
C'est aussi ce que je pense, Dominique. Mais comment analyses-tu la réaction d'indépendance des RG ? Habituellement, Sébastien n'a pas tort, ils sont plutôt aux ordres.
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 décembre 2005
On peut aussi se demander laquelle des deux explications est la plus intéressante d'un point de vue électoral. Je pense que la version "race et religion" est de nature à lancer l'électeur dans les bras de Le Pen plutôt que dans ceux de Sarkozy. Après le retour à un calme relatif, il est donc plus prudent d'en revenir à des déclarations moins tendancieuses.
Écrit par : lamkyre | jeudi, 15 décembre 2005
Justement, Lamkyre, les déclarations de Sarque au Zi étaient électoralistes et son terrain de "chasse" le même que celui de Le Pen. Le démenti des RG, lui, qu'est-il ?
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 décembre 2005
"D'un autre côté, les négationnistes prétendent se placer sur le terrain de la science. Soit. Ils ont donc choisi les armes du duel : c'est sur ce terrain dès lors qu'il nous faut ferrailler."
Ça me fait penser aux "scientifiques" américains qui enseignent désormais la "science" de "l'intelligent design" plutôt que Darwin dans les écoles. Peut-on imaginer que dans 100 ans, quand il n'y aura plus un seul survivant des camps, et que même la mémoire familiale en sera à quelques générations de plus, on puisse se mettre à réclamer l'enseignement d'une version alternative parce que crédibilisée par des débats scientifiques tenus avec les tenants d'une version officielle ? À quoi bon discuter avec les gens qui ne croient pas qu'Apollo 11 s'est posé sur la Lune en 1969 et que tout ça provenait de studios hollywoodiens ? Dans le cas du négationisme, les conséquences d'une discussion au niveau "scientifique" (l'Histoire n'est pas une science - alors si on remet en question l'évolution, imaginez l'Histoire !) risque à mon avis, de créer un effet contraire à celui souhaité. Je répète: on est pas ici sur un terrain raisonnable mais viscéral. Je n'ai pas de solution, sinon que les anti-corps doivent êtres vigilants...
"il est parfois difficile de se sentir étranger dans son propre pays, c'est tout." Ah les deux solitudes... je crois qu'il faudrait que je fasse un détour par la Belgique la prochaine fois que j'irai en Europe. Il y aurait beaucoup de notes à comparer. Moi, plutôt qu'étranger dans mon propre pays, parfait bilingue ayant expérimenté la vie au pays dans ses deux cultures, je me sens plutôt minoritaire partout, toujours.
"Remarquons que des gens connus et réputés comme Finkielkraut ont été dans le même sens en voyant dans les émeutes un phénomène de race."
Je me suis transformé malgré moi depuis 2-3 semaines en défenseur de Finkelkraut, ayant lu articles, entrevues, ayant écouté les débats radiophoniques, et sans suivre le bonhomme dans tous ses raisonnements, il a au moins le mérite de ne pas évacuer la réflexion sur les évènements dans le "tout sociologique". N'y voir qu'une manifestation ethno-religieuse (surtout religieuse) c'est un peu court, mais évacuer l'aspect ethnique, c'est aussi une forme d'aveuglement.
"le repli sur la culture d'origine et le rejet des valeurs occidentales, se construit une sorte d'identité négative, qui mélange les cultures d'origine, les valeurs des cités et des références rudimentaires à l'islam."
C'est là un des dangers du multiculturalisme, au Canada en Grande-Bretagne comme en France. Vus de l'extérieur, tous les reportages sur les banlieues nous montraient des jeunes arabes en colère et des français "de souche", blancs, pauvres eux aussi, mais dont les voitures brûlaient et qui en avaient assez. Ne pas voir qu'une communauté est maintenue économiquement dans une situation précaire, c'est faire abstraction d'une analyse socio-économique. Ne pas voir que cette communauté, réellement victime de discrimantion, court le danger, y a peut-être déja succombé, d'un repli indentitaire comme le décrit la note des RG il y a un an, (et c'est en partie, ce que dit Finkelkraut) c'est noyer le poisson et refuser de faire des liens qui devront bien se faire sinon, pas besoin d'une boule de crystal pour prédire de nouveaux troubles, plutôt tôt que tard.
Le Nostradamus des neiges
Écrit par : Benoit | jeudi, 15 décembre 2005
Les RG ont fait un état des banlieues il y a un an. Cet état des lieux est général et il ne se confond pas avec les causes des événements qui se sont eux produits un peu partout en France. Si les causes devaient être seulement ethniques et raciales, Marseille aurait été complètement en flammes et cela n'a pas été le cas, tout au contraire ; il n'y aurait eu aucun incident dans des petites villes du Sud-Ouest qui doivent peut-être comporter au maximum une famille de harkis et une d'Antillais. On a vu aussi l'effet de l'intervention d'une organisation musulmane à la demande de l'excité de la place Beauvau : néant. Tout simplement parce que c'est une illusion totale de croire qu'un jeune de banlieue est forcément arabe ou noir et dans les deux cas forcément musulman. Mais les clichés ont la vie dure.
Écrit par : Dominique | jeudi, 15 décembre 2005
Je suis d'accord, bien sûr. Ce qui ne laisse pas de m'étonner, c'est l'indépendance -- réelle ou apparente -- des RG dans cette histoire. Voilà ce que je voudrais comprendre.
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 décembre 2005
Cela devient compliqué. On parle ici de la science historique, de la crise des banlieues, de l'indépendance des RG et des problèmes identitaires. Difficile de répondre à tout le monde en même temps.
En plus, comme c'est moi qui ai abordé deux de ces thèmes annexes, j'ai un peu l'impression d'être entré au 14 rue Franklin sans m'être essuyé les pieds. Bon, on fera mieux la prochaine fois.
Bon procédons par ordre:
A Lamkyre: j'ai vécu 25 ans à Liège et je m'y suis toujours senti très bien. Liège garde le souvenir du temps de la Principauté de Liège, laquelle était indépendante depuis le Moyen Age jusqu'à la Révolution de 1789. Pour moi, les problèmes n'ont commencé que lorsque je suis allé travailler à Bruxelles. Là, certains on m'ont reproché de n'avoir pas une double culture ou une culture mixte, si l'on préfère (français/néerlandais). D'autres, nés sur la frontière linguistique et francophones naturellement bilingues pour des raisons familiales m’ont reproché de ne pas me sentir « belge ». Quant aux Bruxellois de souche (et francophones) ils regardent les Wallons avec le mépris habituel des gens de la capitale pour ceux de province. Bref, non seulement on se sent « autre » mais en plus on se sent en position d’infériorité.
A Benoît : il y a en effet de nombreuses similitudes entre le Canada francophone et les régions belges de langue française.
A Jacques : les RG ne sont sûrement pas neutres. Tout ministère obéit aux ordres du Ministre en place. Les fonctionnaires ont un devoir de réserve, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas révéler ce qu’ils savent. Souvent les cabinets ministériels tronquent la vérité pour des raisons politiques et font porter le chapeau à leur administration.
A Sébastien : même si les émeutes n’ont cette fois-ci concerné que des musulmans (ce qui reste à prouver), rien ne nous dit que demain d’autres émeutes n’engloberont pas des Français de souche. Simplement pour les mêmes raisons : chômage des parents, scolarité catastrophique, zone d’exclusion, pas de perspectives d’avenir et de changement. Mais je ne suis pas naïf. Ces jeunes sont sans doute des voyous qui sont entrés dans la petite délinquance. Encore faudrait-il savoir pourquoi ils en sont arrivés là. Il est trop facile de dire qu’ils le sont « par nature » parce qu’ils sont arabes ou musulmans. La clef du problème est ailleurs. Mais il est certain qu’à la fin ils se réfugient dans leur culture propre (arabe et musulmane). Forcément ils sont tous dans la même galère.
Écrit par : Feuilly | jeudi, 15 décembre 2005
Un article intéressant de la Tribune de Genève : "Vers une mondialisation des émeutes" :
http://www.tdg.ch/tghome/toute_l_info_test/enjeux/australie__14_12_.html
Pour répondre à Feuilly, je doute que des émeutes impliquent des Français de souche dans un futur proche. Pour la raison que ceux-ci ne connaissent pas les mêmes difficultés que les immigrés (et ceux qui sont issus de l'immigration) et qu'ils n'ont pas la même culture. Des Français de souche ne s'en seraient pas pris à des écoles. Pourquoi les émeutiers ont-ils brûlé des écoles sinon parce qu'ils refusent le modèle qu'on leur propose ? Ce n'est pas le cas des Français de souche.
Écrit par : Sébastien | jeudi, 15 décembre 2005
Des discussions passionnantes.
"Des Français de souche ne s'en seraient pas pris à des écoles. Pourquoi les émeutiers ont-ils brûlé des écoles sinon parce qu'ils refusent le modèle qu'on leur propose ? Ce n'est pas le cas des Français de souche.": je rejoins Sebastien ici.
je n'apporte rien de spécial à ce débat moi qui française pas de souche ai quitté le pays écoeurée, comme beaucoup (bien plus de diplomés qu'on ne croit), par la distinction faite, à diplome égal ou plus élévé entre les "pas de souche" et les "de souches" lorsqu'il a fallu trouver un emploi. Je souligne que l'emploi du terme souche ici (Rue Franklin) ne me dérange pas du tout.
je lis donc avec beaucoup d'intérêt tous vos raisonnements sur la question.
Écrit par : Livy | jeudi, 15 décembre 2005
(Parenthèse : j'écris ici, pour vous remercier de votre amitié et de votre participation à ce blog, le symbolique millième commentaire).
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 15 décembre 2005
Je signale que contrairement à ce qui a été écrit ce sont bel et bien des Français de souche (ou soyons encore plus clair des Européens blancs !) qui ont incendié des écoles ou des magasins dans bon nombre de régions.Pas seulement eux, certes, mais on ne peut le nier.
Écrit par : Dominique | jeudi, 15 décembre 2005
A Sébastien. L'enseignement est en perte de vitesse. Les programmes sont sans cesse revus à la baisse, dans le but de se mettre au niveau des élèves. Finalement, ceux-ci n'apprennent plus grand chose. Ils n'ont plus le goût de l'effort et parfois n'atteignent plus le stade de la curiosité intellectuelle. Blasés de tout, sans avenir professionnel immédiat, ils ont l'impression de perdre leur temps et ils le perdent en effet.
Souvent, ce genre de situation se rencontre dans les quartiers à forte population immigrée (ou une mauvaise connaissance de la langue française vient encore ajouter de nouveaux problèmes), mais pas forcément. Je ne suis pas sûr que de jeunes Français de souche n'en arriveront pas un jour à cette extrémité-là. Puissiez-vous avoir raison.
A Jacques: "j'aimerais aussi que les autres répondissent" Curieusement j'aurais mis "que les autres répondent" car il n'y a ici aucune idée d'antériorité, bien au contraire. Le sage Grevisse nous dit que les deux formulations sont correctes : Je voudrais qu’il vînt ou qu’il vienne. Il recommande cependant l’imparfait du subjonctif lorsqu’il s’agit d’un fait irréel (on sait déjà que la personne ne viendra pas). Gide allait dans ce sens en recommandant de n’employer l’imparfait du subjonctif qu’après un verbe principal au passé (« Il avait voulu que je vinsse ») et ceci afin de sauver ce temps moribond. Car à l’utiliser de force alors qu’il n’est plus d’usage dans la langue parlée, le locuteur en perçoit le côté ridicule.
Mais bien sûr tout ceci est un clin d’œil à Jacques, que j’ai rencontré autrefois dans « Langue sauce piquante » et je ne doute pas qu’il n’ait volontairement employé cet imparfait afin de nous en faire savourer le côté croustillant.
Écrit par : Feuilly | jeudi, 15 décembre 2005
Chouette en fleur! Je n'aurais jamais cru que ça me ferait plaisir d'être la millième à quelque chose.
Écrit par : Livy | jeudi, 15 décembre 2005
Livy, la bannière aurait dû vous mettre la puce à l'oreille.
Écrit par : Stéphane De Becker | vendredi, 16 décembre 2005
"ce sont bel et bien des Français de souche (ou soyons encore plus clair des Européens blancs !) qui ont incendié des écoles ou des magasins dans bon nombre de régions"
Ce que vous dites est faux, Dominique. Il n’y a qu’à Amiens que les jeunes interpellés n’étaient pas "nécessairement" issus de l’immigration :
« Les mineurs représentent environ la moitié des auteurs, hormis sur le ressort de la cour d'appel d'Amiens où 80 % des interpellés sont des mineurs, pour la plupart suivis par les services sociaux. "Pas nécessairement des jeunes issus de l'immigration" , a précisé le procureur général, Olivier de Baynast. »
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-707795,0.html
Il serait peut-être bon que vous étayez votre affirmation par des preuves, avant de la lancer comme cela, de but en blanc.
J’ajoute que vous connaissez mal les petites villes du Sud-Ouest, lesquelles "doivent peut-être comporter au maximum une famille de harkis et une d'Antillais", croyez-vous. Je vous invite à vous rendre à Montauban, par exemple, où la population issue de l’immigration est largement plus nombreuse, comme vous pourriez le constater en vous promenant dans le centre de la ville. D’ailleurs, des incidents ont éclaté et des voitures ont été brûlées.
Écrit par : Sébastien | vendredi, 16 décembre 2005
Merci Feuilly pour la petite leçon, tu as entièrement raison.
Pour ce qui est de l'expression "Français de souche" que je n'aime pas, je n'ai pas réagi depuis hier pour laisser aux autres le temps de le faire s'ils le souhaitaient (je tends toujours à transformer ce blog en forum). Bien entendu, cette expression n'est pas acceptable. Qui détermine la nature de la souche, son âge ? Comment l'accepte-t-on ? Faudra-t-il prouver qu'on descend d'un certain nombre de générations françaises pour être "de souche" ? Combien ? Chiffre décrété par qui ? Allons mes amis, allons ! Les nazis aussi avaient établi un barême pour les juifs...
Sébastien emploie cette expression. Moi, j'aime bien Sébastien, il le sait je pense. Mais nous ne sommes évidemment pas d'accord. L'important est que nous puissions nous estimer quand même. Vous savez que je fais toujours passer les individus avant toute chose.
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 16 décembre 2005
Mon commentaire s'est croisé avec celui de Sébastien (qui, effectivement, vit dans le Sud-Ouest, c'est bien ça ?)
Je crois que nous avons un peu dérivé depuis le début de la discussion. Je repose les questions : raisonner en historien, c'est quoi ? Poser sur les choses un regard historique, qu'est-ce que c'est ?
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 16 décembre 2005
Sébastien : Il serait peut-être bon que vous étayez votre affirmation par des preuves, avant de la lancer comme cela, de but en blanc.
Et c'est quelqu'un qui reprend les saloperies et les mensonges du Front national qui ose écrire ça ?
Écrit par : Dominique | vendredi, 16 décembre 2005
"Et c'est quelqu'un qui reprend les saloperies et les mensonges du Front national qui ose écrire ça ?"
Oui. A votre place, j'éviterais de m'indigner. "Nul ne ment autant qu'un homme indigné", disait Nietzsche.
Et j'habite Montauban, donc je sais de quoi je parle quand j'évoque cette ville.
Écrit par : Sébastien | vendredi, 16 décembre 2005
Cela vous autorise-t-il à feindre de croire que tous les accusés sont *automatiquement* Arabes ou musulmans dans tous les tribunaux du Nord-Pas-de-Calais ?
Écrit par : Dominique | vendredi, 16 décembre 2005
Eh oui, c'est tout le problème. Sébastien (ou X ou Y)observe à Montauban (ou à Marseille ou à Bobigny) une situation donnée et en tire un raisonnement globalisant.
D'où mon insistance à demander : poser sur les choses un regard historique, qu'est-ce que c'est ?
Fanny, au secours.
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 16 décembre 2005
Je ne feins pas de le croire, je l'affirme. Le procureur d’Amiens l’a bien précisé : "Pas nécessairement des jeunes issus de l'immigration". Ce qui veut dire qu’en dehors d’Amiens, les jeunes interpellés sont issus de l’immigration, ce que tout le monde admet, sauf vous. D’ailleurs, quelles sont les mesures envisagées pour résoudre cette crise ? Discrimination positive, CV anonyme, testing dans les discothèques, etc. Ce qui prouve bien la dimension ethnique de ces émeutes. S’il s’agissait uniquement d’une crise sociale, impliquant à la fois des immigrés et des Français de souche, on aurait parlé de lutte contre le chômage, d’augmenter les allocations, que sais-je encore. Pour finir, je vous conseille ce texte publié sur un log que vous connaissez bien :
« Oui, la gauche s’égare et avec elle les commentateurs et une partie du pays en considérant que ces évènements expriment uniquement une grande colère sociale.
Qu’il y ait une désespérance sociale dans ces quartiers n’est pas contestable et nul ne le conteste en vérité. Mais le chômage n’est pas réservé aux seuls enfants de l’immigration, il existe partout et pas seulement dans ces banlieues; il touche aussi des quinquagénaires «blancs». Ces derniers ne mettent pas pour autant le feu à leur quartier. Et puis qu’on ne nous raconte pas d’histoires : ceux qui brûlent et saccagent ne sont pas tant les chômeurs en fin de droits que ceux qui au contraire vivent fort bien et prospèrent de leurs trafics illicites, gagnants pour certains d’entre eux en une seule journée ce qu’un enseignant ne gagne pas en un mois ! »
http://stalker.hautetfort.com/archive/2005/11/10/le-temps-des-kaira-par-raphael-dargent.html
Écrit par : Sébastien | vendredi, 16 décembre 2005
"raisonner en historien, c'est quoi ? Poser sur les choses un regard historique, qu'est-ce que c'est ?"
C'est une question bien difficile. Moi pourtant historienne, ne considère pas que ce que fait l'historien est finalement différent de ce que font beaucoup de gens. Je travaille autant sur des archives que sur l'interprétation qui a été faite de ces archives, pour contester ou les soutenir en étayant mon argumentation sur des apports nouveaux ou des théories diverses (je précise que l'archive n'est pas le seul matériau mais des témoignages retranscrits ou des enregistrements etc.). L'historien des idées s'appuie aussi sur les théories dites culturelles, celles de l'anthropologie, sociologie, économie, politique et la littérature. Bien entendu certains historiens travaillent autrement. Le regard historique serait peut-être et je dis bien peut-être, un regard qui tient un peu plus compte de tout le contexte pas seulement local, national mais international d'un événement pour voir (entre autre) ce que cet événement a de singulier, si l'on peut lui donner une valeur collective, ce qu'il nous apprend sur nous etc mais on là un peu plus dans le domaine de l'interprétation.
Écrit par : Livy | vendredi, 16 décembre 2005
Sébastien : qu’on ne nous raconte pas d’histoires : ceux qui brûlent et saccagent ne sont pas tant les chômeurs en fin de droits que ceux qui au contraire vivent fort bien et prospèrent de leurs trafics illicites
Ce sont justement les quartiers où ne se produisait aucun trafic qui ont été touchés, les autres ont été épargnés. La quasi totalité des prévenus étaient inconnus des services de police, ils n'étaient même pas suspects de pré-délinquance. Mais quand on a des œillères, on ne s'arrête pas à ce genre de détails.
Écrit par : Dominique | vendredi, 16 décembre 2005
Sébastien, je ne sais pas à qui vous dites "vous" : est-ce à Dominique ou à moi ? Quant à ce que dit Dargent dans un style simplificateur à souhait, on n'est pas tenu ici de le suivre, n'est-ce pas ?
Livy : je suis d'accord avec votre définition du regard historique ; allons plus loin encore. Qu'en pensent les autres ?
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 16 décembre 2005
Mon commentaire s'est croisé avec celui de Dominique.
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 16 décembre 2005
"Ce sont justement les quartiers où ne se produisait aucun trafic qui ont été touchés, les autres ont été épargnés. La quasi totalité des prévenus étaient inconnus des services de police, ils n'étaient même pas suspects de pré-délinquance"
Les quartiers qui ont explosé n’étaient pas des quartiers où il ne se produisait aucun trafic mais des quartiers qui n’étaient pas "tenus", nuance. A Marseille, les gros trafiquants ont bien compris que des émeutes auraient nui à leur business, donc les cités n’ont pas bougé, car ceux qui auraient voulu brûler des voitures ont été vite rappelés à l’ordre.
Si la majorité des prévenus sont inconnus des services de police, ce que je vous concède volontiers, cela ne prouve pas qu’ils ne sont pas issus de l’immigration. Cela montre que les caïds ont envoyé des mineurs en première ligne, parce qu’ils ne peuvent pas être mis en prison (ou difficilement). En outre, la police a reçu des ordres pour ne pas aller au contact, afin d’éviter des morts parmi les émeutiers et donc envenimer la situation. Donc les gros délinquants n’ont pas été interpellés.
« De ce point de vue, ce qui est à l’origine des émeutes, ce ne sont pas, contrairement à ce qui est répété en boucle, les expressions vigoureuses de Nicolas Sarkozy, c’est la création et la réussite des GIR, c’est aussi la volonté de renforcer le dispositif policier sur le terrain : ce n’est sûrement pas un simple hasard si les émeutes coïncident avec l’implantation dans les banlieues les plus difficiles de 17 compagnies de CRS et de 7 escadrons de gendarmerie ; c’est la réaction de tous ceux qui ne veulent pas risquer de voir se réduire les zones de non-droit.
Derrière les petits émeutiers, l’enjeu de la bataille c’est donc la défense des trafics par tous ceux qui en profitent et pas seulement les caïds. »
http://www.polemia.com/edito.php?id=1115&PHPSESSID=694671161497547c49f88e53f61640c0
PS pour Jacques : Mon précédent message répondait à Dominique.
Écrit par : Sébastien | vendredi, 16 décembre 2005
Sébastien : Si la majorité des prévenus sont inconnus des services de police, ce que je vous concède volontiers, cela ne prouve pas qu’ils ne sont pas issus de l’immigration.
Je n'ai pas fait le rapprochement entre ces deux faits qui me semblent distincts et sans aucun rapport. Mais quand on commence à raisonner de manière confuse et à l'aide d'amalgames, de simplifications abusives, de caricatures ethniques, de falsifications, de citations extrémistes, pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? On a la bonne équation : non Européen (donc aussi Antillais ou Réunionnais ou Mahori) car non blanc, automatiquement musulman, refusant automatiquement toute intégration, automatiquement instrumentalisé par des imams extrémistes, automatiquement manipulé par les gangs qui trafiquent la drogue (et s'il n'y a pas d'incidents dans une cité, c'est la preuve au contraire que le trafic de drogue est à la base de tout surtout dans les lieux où il n'a pas lieu). Bref, à force de raisonner cul par dessus tête et de vouloir prouver ses préjugés racistes, on finit par prouver tout et son contraire. Et pourquoi pas une intervention de Raël, tant qu'on y est dans le délire conspirationniste et irrationnel ? La bêtise n'est pas mon fort.
Écrit par : Dominique | vendredi, 16 décembre 2005
« PARIS (AFP) - Les services de police ont effectué 1.540 interpellations dans le cadre des enquêtes judiciaires en banlieue depuis les émeutes, un chiffre qui vient s'ajouter aux 3.200 émeutiers arrêtés en flagrant délit, a indiqué jeudi le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy.
"L'action d'interpellation ne s'arrêtera pas avec la fin des émeutes", a déclaré Nicolas Sarkozy, répétant devant l'Association des maires de France sa volonté de mener une "éradication des trafics et des trafiquants".
Ces 1.540 interpellations consécutives aux enquêtes judiciaires ouvertes, établissent le total de celles effectuées par la police judiciaire et la sécurité publique. Elles sont liées aux émeutes et à divers trafics et faits de délinquance dans les cités.
"Ceux qui ont saccagé, ceux qui se sont comportés en délinquants auront des comptes à rendre à la justice de notre pays", a prévenu le ministre qui n'a pas précisé la part des interpellés qui font l'objet de poursuites judiciaires.
"La réalité, c'est que dans trop de nos cités, des voyous veulent imposer leur loi qui est celle de la violence et des trafics. Et la vérité c'est que nous ne pouvons acheter le calme quand il a pour prix la domination des chefs de bandes et des trafiquants", a dit Nicolas Sarkozy.
Selon la direction générale de la police nationale (DGPN), 650 personnes ont été écrouées, dont un peu moins de 20% de mineurs. Parmi les interpellés, 6 à 8% sont étrangers, a confirmé jeudi la DGPN.
Selon un dernier bilan établi par la Chancellerie, le 18 novembre, 422 personnes avaient été condamnées à des peines de prison ferme, 577 mineurs avaient été présentés à un juge des enfants, dont 118 avaient été placés sous mandat de dépôt.
Beaucoup des émeutiers interpellés (75 à 80%) étaient des délinquants connus des policiers pour des faits de gravité très variable. Mais selon des sources judiciaires, la proportion de ceux qui avaient été condamnés était beaucoup plus faible, même si la Chancellerie n'a pas établi de bilan global. »
http://fr.news.yahoo.com/24112005/202/banlieues-1-540-interpellations-dans-les-enquetes-depuis-les-emeutes.html
Écrit par : Sébastien | vendredi, 16 décembre 2005
Et voilà qu'on nous sert une vieille dépêche d'agence bien frelatée, ne reposant que sur les déclarations idiotes du voyou incompétent de Neuilly, la meilleure preuve étant que le nombre total des personnes déférées à la justice est de 1 540 alors que le chiffre total sera de 5 200 à la fin de cette période. Qui parlait de propagande en fait ?
Écrit par : Dominique | vendredi, 16 décembre 2005
"Parmi les interpellés, 6 à 8% sont étrangers", soit 6 à 8 % de 1540 si j'ai bien lu, c'est-à-dire entre 92 et 123 personnes dans l'ensemble des banlieues. Banlieues que la dépêche ne situe pas. Sont-ce celles de la région parisienne (soit entre 92 et 123 personnes sur dix millions d'habitants) ou celles de toutes les grandes villes qui ont connu des émeutes (soit une proportion moindre encore) ?
Écrit par : Jacques Layani | vendredi, 16 décembre 2005
Enfin en vacances, et donc une seule envie, celle de tout prof de ZEP à cette période : me ruer sous ma couette.
Le peu que je peux avoir à répondre sur la question de la définition du métier d'historien et du raisonnement historique (vaste programme) attendra donc demain.
En attendant, je me contenterai d'ajouter qu'à Bobigny, les émeutiers qui ont retourné le centre commercial et mis le feu au parking de la préfecture, ce sont mes élèves, entre autres. J'en ai parlé avec eux, en petits groupes, certains me faisant assez confiance pour me raconter ce qui s'était passé. Parmi eux, 90 % de Français, à tout le moins. Et parmi ces 90 % de Français, beaucoup d'enfants de Français, eux-mêmes enfants de Français, et j'en passe. Et qu'est-ce que ça veut dire, après tout, tout ça ?
Les Italiens et Polonais arrivés en France il y a un siècle, ce sont des Français ?
Tous mes élèves antillais, aussi noirs de peau que mes élèves maliens ou sénégalais, sont-ils "plus" ou "moins" Français que d'autres ?
Cessons ces questions stupides, et posons, comme cela a déjà été fait ici comme ailleurs, celles qui se posent réellement : comment en est-on arrivé là ? Que faire pour sortir ces gamins de cette image de "kaïras" qu'ils se sont construites et dans laquelle ils se sont autant enfermés qu'on les a enfermés ? Quelles perspectives leur donner dans une société où le mot espoir est devenu un gros mot, où celui de solidarité est une insulte et celui d'avenir une énormité ?
Quant à l'histoire, c'est pour demain.
Bonne nuit.
Écrit par : Fanny | vendredi, 16 décembre 2005
Puisses-tu convaincre, ma belle.
Écrit par : Jacques Layani | samedi, 17 décembre 2005
Fann > Ma compagne avait cru remarquer, pendant ses six années de ZEP-ZUS, que ceux qui, indépendamment de la carte d'identité, ne se concevaient pas comme des "Français" étaient ceux qui parlaient des "céfrans". Est-ce toujours pertinent ?
Ce qui reste pertinent, malheureusement, c'est votre analyse du problème sous son aspect économique. Comment tirer les notions de solidarité et d'espoir du ghetto général de l'individualisme rampant et du "business" décliné sous diverses formes ?
Écrit par : Guillaume Cingal | samedi, 17 décembre 2005
Je voulais écrire "Fanny", mais mon clavier a fourché.
Écrit par : Guillaume | samedi, 17 décembre 2005
Céfrans ou autres, lorsqu'en 5e je fais un cours de géographie sur le Maghreb, lorsque j'évoque la notion d'interface entre Afrique et Europe, et les raisons historiques des liens étroits qui existent aujourd'hui avec la France, j'ai régulièrement des remarques ou questions d'élèves où le "ils" et le "on" ne recouvrent pas ce qu'on aurait pu croire, ou espérer, de la part d'élèves pourtant bien français.
L'idée d'appartenance est parfois bien loin de la carte d'identité, oui...
Écrit par : Fanny | samedi, 17 décembre 2005
L'intervention de Fanny démontre à mon avis, la limite d'une interprétation uniquement socio-économique. Autant se fixer sur l'origine ethnique peut mener à des analyses qui finissent par faire de vous aux yeux de certains des membres potentiels du Front National (et ici, Guillaume après Finkelkraut), autant ignorer le fait que la majorité des "voyous" était française mais pas "céfrans" comme nous le rapporte Fanny, mène à un cul-de-sac en ignorant une composante historique toujours évacuée. (Parce que trop douloureuse ? Vous voyez Jacques, on y revient malgré tout à l'histoire.)
"Pour ce qui est de l'expression "Français de souche" (...) Bien entendu, cette expression n'est pas acceptable."
Les termes devraient signifier la même chose, mais voyez, d'un continent à l'autre, l'histoire fait que ce n'est pas tout à fait vrai.
Ici, au Canada, un québécois de souche, c'est un francophone issue de la colonisation française. Au Canada anglais, multiculturalisme oblige, cette expression n'est pas acceptable, comme dit Jacques.
Moi, c'est le fait que l'expression soit devenue innacceptable qui m'est innaceptable. Un genre de bien-pensance qui oublie l'histoire dans un grand accès de culpabilité, qui finit par dire aux habitants d'un territoire donné (plus de 80% au Québec) qu'ils sont des étrangers au pays, qu'ils ont usurpés le territoire à leur profit etc.
Les livres d'histoire DOIVENT enseigner que l'Amérique était habitée par des peuplades de CULTURES amérindiennes (pas juste des tribus, avec ce que ce mot a de vaguement condescendant - on ne saurait accorder beaucoup de poids à une culture "tribale" semble t-il), le traitement abominable qu'elles ont subies, les conséquences avec lesquelles elles se débattent aujourd'hui encore et la nécessité absolue qu'ils puissent retrouver une place digne dans l'Histoire et la société présente et non CONTRE les descendants des "coloniaux". Car comme le dit Fanny, et comme le disait également l'un des fondateurs du mouvement indépendantiste québécois, Pierre Bourgault, qui discutait avec un jeune amérindien qui voulait qu'on restitue les terres ancestrales, s'il s'agit d'un coucours de qui était là le premier, Bourgault, à 60 ans, le jeune amérindien qui n'en a que 25, et bien c'est le vieux québécois " de souche" qui gagne: le présent. C'est maintenant que l'on vit, et il y a des jeunes fachos au FN qui sont "moins français" que des français d'origine mahgrébine qui parlent et écrivent la langue mieux que ces jeunes pousses de souche-là. Cette volonté d'avoir raison parce "qu'on était là les premiers": foutaise.
"On" y est depuis cinq siècles et on s'est reproduits comme des lapins: faudra faire avec. Par contre, la justice sociale doit exister sur la base de la dignité humaine: pour des raisons historiques basées sur une idéologie spécifique à l'époque coloniale, les amérindiens ont été spoliés. Il faut le reconnaître, le dire, l'écrire, l'expliquer. On ne vas pas, comme le suggérerait sans doute le président de l'Iran aux amérindiens, renvoyer les américains de souches européennes en Europe !
Cela dit, comment, d'un point de vue historique, qualifie t-on alors une population qui fait 80% (plus de 90 si on inclut la minorité anglophone de "souche" anglaise arrivée au XIXe) et qui provient d'Europe ?
En France et partout en Europe, un individu qui se dit "de souche" devrait toujours y mettre un grain de sel sinon la salière au complet: des millénaires d'histoire, avec des invasions, combien de liaisons "coupables", de juifs cachés unies avec de "bons français", de métissages au delà des siècles, bref, qui peut sérieusement adhéré à une telle chimère ? Oui, bon, la bêtise humaine se porte bien, même à l'université....
Ici, le métissage amérindien/français est particulièrement fréquent pendant la colonisation, aussi, un québécois francophone "pure laine" c'est souvent un huron/français ou un abénaquis/français. Ainsi, ma grand-mère maternelle avait du sang amérindien, je suis donc d'origines normandes et amérindienne des îles du St-Laurent.
Il s'agit de culture française. Pas du "sang français" comme l'explique Le Pen qui lie les deux bien sûr, comme tout bon raciste. Mais si les jeunes "céfrans" refusent cette culture sous prétexte qu'elle les maintient dans la pauvreté et plongent dans un repli identitaire ? Le positif a alors trouvé son négatif et on en sort pas. Le Pen a "ses" arabes innassimilables (il n'a même plus besoin alors d'utiliser ses arguments ouvertement racistes puisque les "arabes" s'excluent eux-mêmes: comme c'est pratique !), et les céfrans ont leur épouvantail.
On devrait tout de même pouvoir raisonner historiquement une notion axée sur la racine historique d'une population regroupée autour d'une culture donnée en tenant compte bien évidemment des délires facistes autour de la pureté raciale lorsque ces délires ont laissés des traces indélébiles, sans pour autant tout de suite crier au racisme lorsqu'on veut étudier le groupe en question. Dire que les émeutes sont tout de même majoritairement le fait de jeunes français d'origines mahgrébines qui sont regroupés dans des cités ou les facteurs socio-économiques (combinaison de racisme et de pauvreté - les blancs qui y habitent ne sont pas beaucoup plus riches non ?), pourquoi est-ce impossible ? Pourquoi, si Sarkozy dit une chose vraie et cinq autres fausses ou en tout cas, discutables, faudrait-il réfuter la chose vraie ?
Il y a les faits (l'histoire) et ce qu'on en fait (l'Histoire).
Le dossier du Nouvel Obs sur les néo-réacs étaient plein de ces amalgames malhonnêtes dont parle Dominique. Dès que la photo est associée au qualificatif: fin de non-recevoir. Certains constats de Finkelkraut se trouvaient associés aux conneries de Carrère d'Encausse, tous dans le même panier. Tous des salauds et des salopes racistes. "La rupture est consommée." Texto.
Après, on peut dériver comme bon nous semble, dans un sens comme dans l'autre. Au risque de choquer Jacquilou, ça me fait penser au "Il valait mieux avoir tort avec Sartre que raison avec Aron". Une sorte de fixation négative sur un personnage qui fait que ce qui compte, ça n'est pas ce qu'il dit, mais ce qu'on VEUT entendre. (J'ai reçu ce matin un courriel de pétition anti-Finkelkraut d'un groupe se nommant Les mots sont importants. Vous connaissez ? Je préfère Les mots ont un sens, sinon, quelle importance ? C'est TOUTE la différence...)
Sébastien: je comprend mal votre raisonnement concernant les caïds. Que certains quartiers soient "tenus" par eux et qu'ils n'aient pas explosés pour ne pas nuire aux affaires me parait vraisemblable, mais si c'est le cas, alors pourquoi dans les quartiers ou ça a explosé, les "caïds ont envoyé des mineurs en première ligne, parce qu’ils ne peuvent pas être mis en prison (ou difficilement)." ? La première partie du raisonnement fonctionne, mais pas la deuxième. Les affaires sont les affaires.
L'explication de Fanny impliquant une forme d'aliénation me paraît plus près d'une des vérités. Il ne saurait y en avoir qu'une.
Désolé de faire long mais dans ce domaine, les raccourcis me semblent toujours mener à l'impasse. Même si je suis bien conscient de n'avoir certainement pas éclairci grand chose, surtout pas à partir de mon coin de pays, de l'autre côté de la grande mare. En espérant tout de même que le sens des mots ne se trouve pas trop déformé en voyageant si loin. À ce propos, les 6 ou 8% d'étranger, me trompai-je en supposant qu'il est question ici de jeunes sans-papiers passibles d'expulsion du territoire?
Écrit par : Benoit | lundi, 19 décembre 2005
Je laisserai répondre Fanny, Sébastien, Guillaume et Dominique en leur nom propre.
Pour ce qui me concerne, j'ai écrit dans mon commentaire du 16 décembre : "Bien entendu, cette expression [Français de souche] n'est pas acceptable. Qui détermine la nature de la souche, son âge ? Comment l'accepte-t-on ? Faudra-t-il prouver qu'on descend d'un certain nombre de générations françaises pour être "de souche" ? Combien ? Chiffre décrété par qui ? Allons mes amis, allons ! Les nazis aussi avaient établi un barême pour les juifs..."
Elle n'est pas acceptable en France, aujourd'hui. Parce qu'elle fait partie du langage du Front national et parce qu'elle n'est porteuse d'aucune signification. Elle a été pondue parce que ceux qui l'utilisent ne peuvent nier que les jeunes "issus de l'immigration" (autre tournure) sont français. Seulement, ça leur fait mal. Alors, ils ont inventé ça. Mais c'est quoi, un Français de souche ?
J'ai vécu à Marseille, longtemps. Comme dans tous les ports, mais singulièrement ceux de Méditerranée, la vieille mer, il y a un mélange considérable de cultures , de communautés. Une personne issue de l'immigration italienne des années 20-30, qui fut considérable, est-elle française de souche ? Elle commence où la souche, mon Dieu ? A Marseille toujours, il y a aussi une communauté arménienne, une communauté pied-noir (comprenant elle-même une subdivision, celle des Juifs d'Algérie), une communauté malgache, une communauté espagnole, une communauté maghrébine, une communauté africaine, une communauté maltaise, sans parler d'une communauté corse qui se veut corse avant tout. Et tous ces gens sont nés à Marseille depuis vingt, trente, quarante, cinquante, soixante, soixante-dix ans, ils sont tous français et leurs parents l'étaient et leurs grands-parents et, plus le temps passe, plus il y a de français là-dedans. La souche ? Laquelle ? C'est uniquement pour cela que j'ai dit que cette expression ne pouvait être acceptée ICI et AUJOURD'HUI.
Bien entendu, la situation au Québec est différente et vos explications sont compréhensibles.
Écrit par : Jacques Layani | lundi, 19 décembre 2005
J'oubliais.
Je préfère effectivement "avoir tort avec Sartre que raison avec Aron", eh oui. Parce que Sartre est un homme généreux qui n'a jamais défendu que des causes généreuses ou qui étaient à chaque moment perçues comme telles. Et puis parce que Sartre est plus intéressant qu'Aron, voilà. Parce qu'il s'est beaucoup plus mouillé et que son oeuvre est vaste, multiple et fichtrement intéressante. Parce qu'il est un personnage, ce qui n'est pas si courant.
Cela dit, Aron n'est pas un sot, loin de là, et je l'estime aussi. J'ai ses mémoires dans ma bibliothèque.
Écrit par : Jacques Layani | lundi, 19 décembre 2005
Je réponds juste sur un point à Benoit : autant ignorer le fait que la majorité des "voyous" était française mais pas "céfrans" comme nous le rapporte Fanny, mène à un cul-de-sac en ignorant une composante historique toujours évacuée.
Le problème, c'est que même parmi les Français auteurs de violences il y avait aussi une forte proportion de Céfrans (même si on peut leur trouver des racines européennes qui seraient portugaises, italiennes, yougoslaves, auvergnates, corses, belges, ch'ti et j'en passe). Il existe une solidarité de communauté entre les cités qui n'a rien à voir avec les ethnies : le fait d'habiter une cité détermine déjà un sentiment d'appartenance à un groupe différent de celui des bourges, et cela même pour des petits Français très blancs de peau et dont la famille est française depuis plus longtemps que la mienne (1766). Ethniciser le problème est une grosse erreur car c'est nier le fait qu'il y a un clivage social qui permet à des Français de longue tradition française, catholique et tout ce que l'on veut de rallier les positions extrémistes de ceux qui veulent le choc des civilisations et qui font tout pour le créer : des imams fous qui convertissent des paumés blancs et français au culte du martyre, ou bien les abrutis qui voient derrière chaque Antillais un musulman intégriste, polygame et pyromane et qui veulent le forcer à rentrer dans cette catégorie pré-établie. Je pense que l'explication ethniciste est un piège infernal et que c'est la meilleure solution pour que cela saute encore !
Écrit par : Dominique | lundi, 19 décembre 2005
Dominique : "Il existe une solidarité de communauté entre les cités qui n'a rien à voir avec les ethnies : le fait d'habiter une cité détermine déjà un sentiment d'appartenance à un groupe différent de celui des bourges, et cela même pour des petits Français très blancs de peau et dont la famille est française depuis plus longtemps que la mienne (1766). Ethniciser le problème est une grosse erreur car c'est nier le fait qu'il y a un clivage social qui permet à des Français de longue tradition française, catholique et tout ce que l'on veut de rallier les positions extrémistes de ceux qui veulent le choc des civilisations et qui font tout pour le créer :"
Je n'aurais pas pu mieux dire.
Lorsque je demande, parfois, quand un petit moment de discussion avec deux ou trois élèves parvient à s'établir et que le sujet s'y prête (il s'y prête souvent, ils sont en quête de repères sur les questions d'identité et d'appartenance) : "et toi, tu es qui ? Tu es quoi ?"
Les réponses sont variables. Ils sont, d'abord, un prénom. Puis suivent immédiatement "Boboche" (Bobigny), "l'Abreu" (leur cité), "une fille du quatre-vingt-treize". Suit enfin, comme si cela en découlait logiquement "je suis malien", "je suis algérien", "je suis Turc", "je suis martiniquais", etc.
L'échelle du pays qui est celui de leur nationalité n'apparaît jamais (tout comme plein d'autres définitions possibles de "moi, je suis...", d'ailleurs, et qui toucheraient aux convictions, à la culture, aux goûts, au caractère, etc.).
Et là, je me dis qu'on a raté un sacré truc.
Écrit par : Fanny | mardi, 20 décembre 2005
"Sébastien: je comprend mal votre raisonnement concernant les caïds. Que certains quartiers soient "tenus" par eux et qu'ils n'aient pas explosés pour ne pas nuire aux affaires me parait vraisemblable, mais si c'est le cas, alors pourquoi dans les quartiers ou ça a explosé, les "caïds ont envoyé des mineurs en première ligne, parce qu’ils ne peuvent pas être mis en prison (ou difficilement)." ? La première partie du raisonnement fonctionne, mais pas la deuxième. Les affaires sont les affaires."
Je vais essayer de vous répondre, Benoît. Si j’en crois l’article de la revue Polémia auquel j’ai renvoyé :
« De ce point de vue, ce qui est à l’origine des émeutes, ce ne sont pas, contrairement à ce qui est répété en boucle, les expressions vigoureuses de Nicolas Sarkozy, c’est la création et la réussite des GIR, c’est aussi la volonté de renforcer le dispositif policier sur le terrain : ce n’est sûrement pas un simple hasard si les émeutes coïncident avec l’implantation dans les banlieues les plus difficiles de 17 compagnies de CRS et de 7 escadrons de gendarmerie ; c’est la réaction de tous ceux qui ne veulent pas risquer de voir se réduire les zones de non-droit.
Derrière les petits émeutiers, l’enjeu de la bataille c’est donc la défense des trafics par tous ceux qui en profitent et pas seulement les caïds. »
http://www.polemia.com/edito.php?id=1115&PHPSESSID=694671161497547c49f88e53f61640c0
L’efficacité des GIR a certainement nui au business dans certains quartiers, voilà un début d’explication à leur révolte. Mais je ne saurais pas dire pourquoi des quartiers ont explosé et d’autres pas. Je pense qu’il est important de noter que la crise a commencé en banlieue parisienne, là où la mixité sociale est la plus faible. Ensuite, je ne crois pas à une cause unique pour expliquer ces émeutes. Il y a des raisons qui tiennent à leur caractère ethnique, d’autres raisons relèvent du social (chômage, ségrégation sociale, sentiment que l’avenir est bouché). Ce qui m’attriste, c’est le refus de prendre en compte la dimension ethnique de ces émeutes, comme si le fait d’appartenir à telle ou telle "race" était tabou. Si 90 % des émeutiers sont noirs et maghrébins, il faut le dire et ne pas se voiler la face. Pourquoi masquer aussi la surreprésentation des immigrés (70 % des faits constatés selon les statistiques de la police) dans les actes de délinquance ? C’est justement le fait d’occulter la réalité qui fait le lit du FN.
L’expression "Français de souche" ne me gêne pas. Après tout, ils sont fiers d’être arabe, noir ou métis. Pourquoi ne pourrions-nous pas revendiquer notre identité ? Commençons par aimer notre pays, nos racines et essayons d’en donner une bonne image. Ce n’est pas en battant notre coulpe en permanence que nous serons en mesure d’intégrer ces populations. Une explication de cette révolte tient peut-être au passé colonial de la France, puisque ce sont les descendants des peuples anciennement colonisés par nous qui se sont mutinés. Ce fameux match France-Algérie de 2001 au stade de France, où la Marseillaise fut huée par le public, majoritairement venu des banlieues, — lequel public a pris parti pour l’Algérie contre la France en interrompant le match prématurément quand la défaite de l’Algérie devenait trop lourde —, fut un signe avant-coureur des émeutes de novembre. Il y a un désir de revanche contre la France chez ces jeunes délinquants.
Écrit par : Sébastien | mardi, 20 décembre 2005
Le problème n'est pas ethnique, il est culturel. L'éthologie animale pourrait finalement s'appliquer à nos sociétés. Un groupe n’accepte un individu que s’il pratique les règles et les coutumes du groupe. C’est pourquoi un étranger n’est souvent accepté qu’à la deuxième ou à la troisième génération. Quand je dis accepté, je veux dire reconnu comme semblable. Il est clair qu’on peut aussi « accepter » quelqu’un en reconnaissant sa différence, en le tolérant (comme je déteste ce mot), en l’accueillant (je préfère celui-ci). C’est d’ailleurs ce que les tenants d’une certaine « pureté » ne peuvent admettre.
Concrètement, une jeune fille de 25 ans certes d’origine maghrébine, mais née en France, diplômée et travaillant en jeans dans une banque sera reconnue comme appartenant au groupe dont elle a d’ailleurs acquis tous les comportements. La couleur de peau n’intervient plus à ce stade-là.
Ce qui choque et révulse certains, ce sont des coutumes différentes (mode vestimentaire, cuisine, etc.) autrement dit la culture en général (ce qui englobe les livres que l’on lit, la musique que l’on écoute, la religion que l’on pratique ou ne pratique pas, etc.).
Souvent donc, la première génération n’est que tolérée parce que perçue comme différente (ces Italiens qui mangent des pâtes, ces Polonais qui boivent…) mais leurs enfants sont reconnus comme faisant partie du groupe.
Malheureusement, ce qui s’est passé avec la population maghrébine, c’est que l’assimilation (autre mot dangereux et péjoratif : en quoi nos valeurs seraient-elles meilleures ?) n’a pas pu se faire totalement vu le nombre d’immigrés (qui continent à vivre entre eux dans des ghettos), l’absence de travail (qui aurait permis un brassage des populations et aurait débuché sur un mode de vie similaire au nôtre) et l’échec scolaire (pour des raisons qui restent à déterminer mais qui doivent venir en partie de la faiblesse des programmes et du niveau culturellement bas de ces populations issues des milieux populaires). Du coup, bien que nés en France, ces jeunes se retrouvent décalés et par rapport à leur culture d’origine (on ne les imagine plus retourner en Algérie cultiver la terre) et par rapport à la culture française. Rejetés des deux côtés (par leur famille qui ne les comprend plus et par la société française), ils se consolent en se groupant en bandes rivales (car tout groupe rassure. De plus, au sein du groupe l’individu a un rôle à tenir. Il est donc valorisé).
Il faudrait encore faire deux remarques :
1) les gens d’extrême-droite, quand ils ne rejettent pas ces immigrés pour la couleur de leur peau le font pour leur culture au sens large (donc y compris les coutumes) ou au sens étroit (la culture véhiculée par l’école, donc la lecture, etc. ) Ils confondent groupe social (milieu populaire) et race. Car il est clair qu’en Algérie ou au Maroc vous avez des médecins, des écrivains, des producteurs de cinéma, etc. donc des gens « cultivés ». Par certains côtés, nos immigrés sont plus proches des couches populaires françaises que des élites maghrébines. (Tout ceci étant dit sans mépris aucun pour ces couches populaires qui n’ont pas accès à la grande culture et dont je suis moi-même issu. Que l’on soit bien clair).
2) Les parents de ces jeunes me semblent avoir une part de responsabilité. Disons qu’ils ont été dépassés par les événements. Leur culture classique ne fonctionne plus avec leurs enfants, qui la rejettent (pouvoir du père, rôle traditionnel assigné à la femme, respect de l’islam, etc.). Ce qui permettait d’éduquer les enfants en Algérie et de les conduire dans le droit chemin est critiqué en France (par les Français et par leurs propres enfants). Ces parents n’ont pas de solution de rechange. Alors ils ont laissé faire. Et c’est comme cela qu’on retrouve des gosses de dix ans qui courent les rues à onze heures du soir, ce qui n’est tout de même pas normal non plus, il faut oser le dire.
Plutôt que de rejeter la faute sur Paul ou Jacques (sans jeu de mot) il faudrait surtout se demander ce que l’on va faire pour en sortir. Qu’il y ait un problème, personne ne le conteste. Mais comment agir pour que la situation évolue ? Et par là je ne veux pas simplement dire pour qu’on ne brûle plus nos voitures, mais aussi pour que ces jeunes accèdent à une vie décente, qui ne soit plus simplement marginale et délinquante.
Je reste pessimiste sur l’avenir. Les idées de la gauche sont généreuses et me semblent plus profitables qu’une simple répression, mais le contexte économique mondial ne permet guère de grands changements. A partir du moment où, néolibéralisme ambiant oblige, nous devons devenir de plus en plus performants et à une époque où nos usines vont s’implanter ailleurs, je en vois pas bien comment trouver une issue. Je crains en fait que ce que ces jeunes « immigrés non de souche » (clin d’œil) vivent aujourd’hui ne devienne le lot commun de toute la population d’ici 10 ou 20 ans :chômage, échec scolaire, petite délinquance, débrouillardise pour s’en sortir, etc.
Et l’Histoire dans tout cela ? Et bien l’histoire, c’est plus tard qu’elle se penchera sur ces cas difficiles. Nous, nous sommes en première ligne pour agir. L’historien vient après coup pour dire si on a eu raison ou tort d’agir de la sorte. Il a l’avantage d’avoir les conséquences devant lui pour pouvoir juger de ce qui a été entrepris. C’est un confort que nous ‘avons pas.
Écrit par : Feuilly | mardi, 20 décembre 2005
Moi aussi Feuilly, je déteste les gens tolérants. Comme lorsque l'on parle du seuil de tolérance à la douleur. L'impression alors d'être une blessure. Lorsque ma différence (quelle qu'elle soit) est "tolérée", c'est bizarre mais c'est moi qui deviens intolérant...
Bon, alors, carrément, je met les pieds dans les plats.
"en quoi nos valeurs seraient-elles meilleures ?"
Tout ne se vaut pas. Il faut, je crois, avoir le courage de dire parfois, que certaines valeurs de progrès social, de justice, sont, oui j'ose, supérieures. Les femmes musulmanes qui ont fuit leurs pays d'origine parce qu'on avait appliqué la Shariah à leur endroit et qui retrouvent la menace de ces tribunaux dans leur pays d'adoption "par respect" des valeurs multiculturelles: qu'on leur explique alors qu'au nom du respect de "leur culture" on va limiter LEURS droits. La démocratie dans toute sa schizophrénie.
En tant qu'homosexuel, si l'immigration massive finit par rendre ma vie difficile parce que je commence à subir (comme on le rapporte à Amsterdam) les agressions de jeunes immigrés intolérants, je fais quoi ?
"Un groupe n’accepte un individu que s’il pratique les règles et les coutumes du groupe. C’est pourquoi un étranger n’est souvent accepté qu’à la deuxième ou à la troisième génération."
Peut-être que je me répète, mais il y a quelque chose d'inédit dans l'expérience des pays européens. Comment une société avec une culture relativement hétérogène peut-elle faire pour inclure des millions d'immigrés dans une période relativement courte ? L'intolérance des autochtones envers les immigrés, à degrés variables, fait partie intégrale de l'expérience de l'immigration, de l'exil. Feuilly circonscrit très bien cela. Il faut être construit solidement pour "passer à travers". C'est bien pour ça que le choc des cultures ou des civilisations, qui ne saurait expliquer tout, ne peut pas non plus être totalement évacué.
Je crois qu'il faut avoir l'honnêteté de reconnaître qu'on peut ne pas souscrire aux valeurs d'une communauté. Pour moi, les juifs hassidiques de mon quartier sont un mystère - je refuse totalement toute forme de discrimination envers eux, mais eux, refuse totalement toute forme de "contamination" du monde environnant. Ils votent cependant. À partir de quel moment le citoyen devient-il indifférent aux affaires internes d'une communauté par "respect" des différences "culturelles" ? Une femme hassidim qui annonce à sa famille qu'elle est lesbienne et à qui on refuse tout contact avec ses enfants pour des raisons "culturelles", vous lui dîtes quoi ?
J'en reviens à mon analogie biologique/éthologique: si je transplante 100,000 fondamentaliste chrétiens à Paris, et que ces derniers refusent qu'on enseigne à leurs enfants Darwin et l'évolution, ce "corps étranger", qui refuse une certaine forme de consensus, qui est dans "la marge" mais revendique le centre, allez-vous "respecter" ses croyances, ses coutumes, sa "culture" si elle entre en conflit direct avec les valeurs qui sont les vôtres ? Il faudra plus qu'une analyse socio-économique pour trouver une solution et vivre ensemble.
Qu'on me comprenne bien: si on me dit qu'il est mal vu de porter des shorts dans les églises italiennes, je ne vais pas faire exprès pour provoquer. Si j'allais au Caire, je ne ferais pas exprès pour demander à tous les passants: à quel endroit puis-je trouver une boîte gay ?
Si j'étais hollandais, et qu'après des années de relative tranquilité, des groupes de jeunes arabes se mettaient à tabasser dans mon quartier, comment puis-je faire alors, pratiquement, pour ne pas être aussi humain trop humain que mes agresseurs ? Je fais de l'éducation, je tends l'autre joue, ou je me défend ? L'homophobie, qui n'est après tout qu'une des nombreuses formes du racisme, peut-elle être tolérée ? C'est toujours là-dessus que je fini par me dissocier du discours anti-raciste. Un peu comme lorsqu'on disait aux femmes noirs qu'elles ne pouvaient pas êtres féministes parce que les hommes noirs étaient encore opprimés et que dénoncer la misogynie lorsqu'elle était le fait d'hommes noirs, c'était une forme de trahison à la Cause.
Lorsqu'une petite frappe comme Samy Nacéry menace verbalement Salman Rushdie à la télé au nom du respect dû à Allah, j'ai l'anti-corps un peu vif: je le vire presto. C'est pas des manières. Évidemment si on fait comme moi, alors on manque de respect envers l'Islam ?
Je note simplement que c'est Rushdie qui a quitté le plateau, pas Nacéry. Lui, il est resté là. Le risque, est-ce que ça n'était pas d'oser mettre en colère les nombreux fans de Nacéry en le virant ? C'est parfois ce que je ressens lorsque je lis, écoute les médias français. Accepter une femme voilée à l'école, c'est baisser les bras devant l'aliénation pour des motifs de "respect de la culture de l'autre". Le féminisme c'est bon pour les femmes d'ici, pas les autres ? Question de limite. L'excision, non. Le voile ? C'est qu'un bout de tissu, ça passe.
Jacques, mes excuses, j'ai mis mes pieds dans vos plats, je fais la vaisselle en sortant.
Écrit par : Benoit | mardi, 20 décembre 2005
Vous ne mettez pas les pieds dans mes plats, Benoît. Je ne vous comprends pas beaucoup depuis quelque temps, c'est tout. Plus exactement : depuis quelques semaines, je ne retrouve pas celui que je connais depuis plus d'un an et demi maintenant. Ni ici, ni chez Gary. Je devais vous le dire par honnêteté. Et même davantage : je ne comprends pas exactement à qui vous vous adressez dans le commentaire précédent. A qui dites-vous : "Vous" ?
"L'homophobie, qui n'est après tout qu'une des nombreuses formes du racisme, peut-elle être tolérée ? C'est toujours là-dessus que je fini par me dissocier du discours anti-raciste. " Pour ce qui est de l'homosexualité, vous ne trouverez pas plus ami des homosexuels que moi. Et ce n'est pas de la tolérance, évidemment, c'est bien de l'amitié consciente.
Écrit par : Jacques Layani | mardi, 20 décembre 2005
A qui dites-vous : "Vous" ?
Je pose des questions, à vous, à moi, à nous.
Je trouve simplement que les discours théoriques tenus en France ces jours-ci sont TOUS insatisfaisants, que l'exclusion semble inévitable. Un genre de rectitude à l'envers. Qui fait que, à distance, je me retrouve dans la situation qu'avec plusieurs, nous attendons la fondation très prochaine (en février) d'un nouveau parti politique au Québec, progressiste, axé sur la justice sociale. Mais qu'en France, je trouve le discours de la gauche totalement dépassé, et des journaux que je lis généralement avec intérêt me révèlent que je suis néo-réac ! (Enfin, si j'étais français, alors que je voterais socialiste, la mort dans l'âme mais malgré tout. Socialo néo-réac, homo raciste dans une relation bi-culturelle, admirateur d'un écrivain juif et amateur de jazz/r&b/musiques du monde qui ne rate jamais un spectacle de Salif Keita (ah c'est vrai, il est blanc) bref, la psychanyse se retrouve devant un beau cas ! ) J'écoutais Benjamin Stora hier soir, le pauvre, assis entre Tariq Ramadan et Claude Ribes d'une part, et Max Gallo, hystérique, appuyé d'un maire socialiste inconnu de moi qui était d'une impolitesse et d'une rare suffisance, qui finissait par rendre Ramadan sympathique. Confusion totale. Ramadan disait des choses vraies, mais le maire socialiste, PAR PRINCIPE, s'opposait à TOUT ce qu'il pouvait dire. Il aimait mieux avoir tort avec (______) que raison AVEC Ramadan.
Ce que je veux dire, en tout respect, c'est peut-être parce que vous reprenez à votre compte cette phrase concernant Aron et Sartre, que vous ne me comprenez plus. L'alliage d'analyses incomplètes au delà de lignes pré-établies me semble la seule solution. Ëtre anti-raciste, c'est une idée et une position généreuse, mais ça ne saurait suffire, surtout si la lucidité fout le camp. Pour moi, ç'aurait valu en 1956. Et ça vaut assurément maintenant.
Je me suis relu, puisque vous ne me comprenez pas: moi je me comprend. Pas grave, peut-être qu'on se rencontrera à une autre intersection.
La seule phrase que je changerais, c'est: "Je fais de l'éducation, je tends l'autre joue, ou je me défend ?"
Ce devrait être: Je fais de l'éducation, je tend l'autre joue ? Non, je me défend. Il ya le discours économique (et là biensûr qu'on peut comprendre que ça explose, et comment !) et le discours culturel, celui des "valeurs".
Et là, ça se complique.
Écrit par : Benoit | mardi, 20 décembre 2005
Découvrir au bout de vingt-cinq ans que les propos de Finkielkraut sont réactionnaires alors qu'ils ont toujours été qualifiés ainsi, c'est vraiment avoir fait preuve d'un curieux aveuglement. Mais il y a une petite différence de nature entre ce que Finkielkraut pouvait dire auparavant de réac et les propos qu'il a tenus à Haaretz : il légitime une violence raciste contre ceux qui oseraient dénoncer le racisme et il ose comparer l'anti-racisme à une dictature (le terme suivant du raisonnement implicite, c'est que le racisme est l'expression parfaite de la démocratie du moment que cela se fait au nom de l'Occident), il renvoie l'Autre à son statut de barbare inassimilable et il l'enferme dans des catégories qui n'ont souvent rien à voir avec la réalité (une équipe black-black-black, tout Noir est musulman et le Mal est Noir parce qu'un Noir est forcément antisémite puisqu'il est Noir et donc musulman). Les propos précédents de Finkie me semblaient une sorte de poil à gratter fort utiles : le niveau baisse, la civilisation se meurt, on est dans le tout-télé, dans l'immédiateté sans aucun sens critique, il faut revenir à Jules Ferry et à Péguy, le nationalisme n'est pas un mal et il ne faut pas l'abandonner aux fachos. Tout cela, c'était dérangeant, mais cela ne fermait pas le débat, au contraire. En revanche, on a aujourd'hui un raisonnement qui s'auto-alimente dans une sorte de délire auto-référent, totalement déconnecté de ce qui est la réalité. On arrive à une aporie où l'Autre devient le raciste absolu parce qu'il est autre et où tout autre dénonciation d'une forme de racisme différente de l'antisémitisme (mais encore de l'homophobie comme on peut le lire) est automatiquement une sorte de racisme. Bref, on arrive à ne plus pouvoir se comprendre à force de rejeter les fautes sur les autres et à vouloir croire que dans la dénonciation d'une situation malheureuse il y a forcément l'implication fautive d'une autre partie de la communauté humaine qui dénonce elle-même son mauvais traitement. Finkie a disjoncté, c'était un peu prévisible car son mode de raisonnement l'a éloigné en fait de ses sources (Levinas et Arendt devraient vite lui venir à l'aide), mais parmi les réacs il occupe une place à part et il est un peu abusif de le ranger à côté d'un individu aussi cynique et mercantile que Houellebecq. Une compilation de réacs ne tient pas compte vraiment des itinéraires et surtout de la dialectique de chacun. Muray par exemple, c'est plus pertinent que tel histrion télévisuel qui se pose comme réac parce que ce serait la mode.
Écrit par : Dominique | mercredi, 21 décembre 2005
Dominique a signé le centième commentaire apporté à cette note. Dommage qu'il n'ait pas pu aller à la ligne de temps en temps... :-))
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 21 décembre 2005
J'ai suivi l'échange récent, mais j'ai un accès très restreint à la Toile en ce moment ; je diffère donc ma réponse.
Écrit par : Guillaume Cingal | mercredi, 21 décembre 2005
Soit, nous l'attendrons le temps qu'il faudra.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 21 décembre 2005
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