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mercredi, 02 novembre 2005

Grossièreté

« La grossièreté ne connaît ni frontières ni barrières nationales, ni classes ni races ; peut-être est-elle la seule incarnation vraie et complète de la fraternité de nos jours. Avec l’activité sexuelle et la faim, elle est la caractéristique la plus générale de l’espèce et le véritable lien entre tous les peuples du monde. Il suffit de voir les gosses dans les rues de Varsovie ou de New York, tout droit sortis de Graine de violence, d’observer comment les Français et les Italiens qu’on dit courtois au volant vous crachent leur haine ou de participer en tant que membres de l’opposition à quelque rassemblement politique pour mesurer que, sur le plan de la brutalité des manières, toutes les nations et tous les peuples, quels que soient leur credo religieux ou la couleur de leur peau, ont enfin acquis une unité, une liberté, une égalité et une fraternité, prouvant que l’humanité n’a pas rêvé en vain. »

 

Romain Gary, extrait de « The triumph of rudeness », Holiday, n° 30, juillet 1961 (traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat).

 

11:46 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (7)

Commentaires

Pour les plus jeunes d'entre nous, "Graine de violence" est le titre français du film de Richard Brooks, "Blackboard jungle" (1955). On connaît le thème musical de ce film, "Rock around the clock".

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 02 novembre 2005

Texte désespéré, désespérant, mais combien lucide !
Toutefois, s'il est quelque chose à sauver de la tambouille des sciences humaines, c'est sans doute l'analyse transactionnelle, qui a parfaitement décrit et recyclé une autre tendance profonde de l'homme : le mimétisme. De sorte que, d'expérience, il est possible d'injecter un peu de courtoisie, d'attention à l'autre, de douceur posturale dans des groupes humains que les circonstances agrègent : à la caisse d'un supermarché, dans un transport en commun, au zinc d'un café. Il est toujours étonnant – et, somme toute, réconfortant – de vérifier que votre seule présence (ou quelques mots prononcés avec bienveillance) infléchissent insensiblement le jeu, font baisser la pression, suscitent une réponse articulée dans un presque langage qui tente, avec une soudaine bonne volonté, de s'exonder des borborygmes du temps.

Écrit par : Dominique Autié | mercredi, 02 novembre 2005

Effectivement, une personne, dans un groupe, peut en modifier le comportement. De là, peut naître un chef, un tyran. Il faut donc y prendre garde. Tout groupe peut être instantanément manipulé, en tout cas rapidement pris en main.

Mais restons sur le plan de la politesse. Je crois effectivement qu'elle peut demeurer la plus forte et désarmer la grossièreté. L'amour peut beaucoup de choses et la politesse en est un (petit) visage.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 02 novembre 2005

La politesse est un habit, une "tenue". À la grossièreté, que décrit Gary j'opposerais, plus volontiers que la politesse, une vertu – mais s'agit-il bien d'une vertu, ou plutôt d'une disposition de l'âme ? – qui, elle, renvoie bien au visage (le visage ne trompe pas), à savoir la délicatesse.

Écrit par : Dominique Autié | mercredi, 02 novembre 2005

Le mot ironique de Gary, dont je n'ai pas assez lu l'oeuvre (je dois bien l'avouer), est une étrange ode à la misanthropie, oserais-je dire. Cela ne l'empêche toutefois pas d'avoir raison à bien des égards. Suffit d'observer la place publique et... de naviguer sur les blogs pour s'en convaincre!

Écrit par : ski-doo | dimanche, 06 novembre 2005

Et vous vous rendez compte que ces propos datent de 1961, au moment d'une société très codifiée, cadrée, dans laquelle la politesse, par exemple, allait de soi ! Que dirait-il à présent ?

Écrit par : Jacques Layani | dimanche, 06 novembre 2005

En effet, je crois qu'il en serait soufflé de voir les événements de la banlieue.

Écrit par : ski-doo | mardi, 08 novembre 2005

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