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mardi, 24 septembre 2013

Quand les hommes ont chaud

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J’ai découvert hier soir, sur la chaîne Arte, le film Douze hommes en colère, de Sidney Lumet, sorti en 1957. Certes, il n’est jamais trop tard, n’est-ce pas ?

C’est un huis-clos et j’affectionne particulièrement les huis-clos, situation idéale pour faire ressortir la vérité des personnages, les faire crier ce qu’ils sont ou espèrent, faire monter la tension dramatique autant qu’il se peut.

Naturellement, on peut rétorquer que, justement, c’est trop facile. Je ne le crois pas. Renouveler le huis-clos aussi souvent que nécessaire est au contraire une gageure.

Évidemment, dans le cas de ces Douze hommes, les ficelles scénaristiques sont nombreuses. La scène se déroule par un temps orageux et la chaleur étouffante qui règne dans la salle où se réunit un jury d’assises contribue, bien sûr, à augmenter le poids des responsabilités, des hésitations, des scrupules, des certitudes et des préjugés. Pour qu’on comprenne bien, on n’a pas hésité à mouiller le visage des protagonistes, à dessiner sous leurs aisselles, dans leur dos, sur leur poitrine, de grandes taches de transpiration.

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Durant de nombreuses années, les films montrant des procès et se déroulant dans des tribunaux ont obtenu un succès constant. Les effets sont faciles : tirades, joutes oratoires, attitude des avocats, solennité de la Cour, inquiétude de l’accusé… Avec cela, on fabriquait littéralement des morceaux de bravoure. Dans le cas qui nous occupe, c’est un peu différent. Il s’agit de la délibération : le jury se tient dans une salle et le premier juré doit frapper à la porte, verrouillée, si l’un des douze désire obtenir quelque chose. On n’a pas assisté à l’audience, on ne verra pas le verdict.

C’est en cela que le film est intelligent. On s’est débarrassé des clichés les plus fameux et concentré sur l’essentiel, ces douze hommes qui ne se connaissent pas, ignorent tout l’un de l’autre, sont issus de milieux fort différents et ne se reverront sans doute jamais.

Il y a d’autres chevilles, d’autres « trucs ». Oui, le héros, Henry Fonda, a les yeux bleus qu’on lui connaît, il porte un costume clair et c’est lui qui a le plus d’allure. Oui, le héros va retourner le jury par ses scrupules, sa logique, sa réflexion, sa prudence, son intelligence. On le sait depuis le début, du moins le pressent-on car, autrement, le film n’aurait strictement aucune raison d’être. Oui, le héros est architecte parce que, des décennies durant, au cinéma, les héros contemporains étaient architectes, avocats ou pilotes. Néanmoins, le spectateur « marche ».

Demeurent les douze rôles parfaitement écrits, même si certains font un peu figure d’archétypes ; la confrontation entre ces personnages ; les revirements successifs des jurés et, surtout, le revirement final du dernier d’entre eux, pour des raisons qu’on ne pouvait réellement deviner ; le débat sur la peine de mort, inscrit en filigrane ; la mise en scène qui tient du théâtre et du ballet (chose inévitable puisqu’il s’agit d’un huis-clos, mais qui aurait pu être moins talentueuse), notamment à la fin, lorsque les jurés vont reprendre leur veste au porte-manteau, l’enfiler et partir, dans une espèce de pas de danse filmé de l’intérieur de la penderie.

Et surtout, le noir et blanc, somptueux, seul procédé (sauf lorsquil existe un authentique travail sur la couleur, comme chez Demy, par exemple) réellement créatif.

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Commentaires

Oui, c'est un film sérieux, à tous points de vue.
Ce qui est frappant, c'est qu'ils ont été désignés et, obligés de se prononcer -- alors que bien souvent on donne son avis, qui ne sera pas pris en compte -- ils préfèrent, au début condamner, pour ne pas avoir à réfléchir.
Bien souvent, en politique se passe le même phénomène.

Écrit par : Mine | mardi, 24 septembre 2013

La subtilité du film, c'est que ces hommes condamnent non pas parce qu'ils sont influencés par le procès ou par un président de jury qui serait un magistrat rompu aux astuces du droit et de l'influence exercée sur des êtres (ici, le président de jury est un des douze jurés, il n'a d'ailleurs pas d'autorité, même pas morale).
Ils condamnent parce qu'ils ont l'impression que c'est pour cela qu'ils sont là ; parce qu'ils se sentent investis d'une mission supposée ; parce que ce sont des Américains moyens persuadés que seul leur pays défend la démocratie ; peut-être parce que c'est plus facile.
Ou bien, comme le plus idiot des jurés (et le rôle dut être difficile à tenir), pour pouvoir arriver à l'heure au match de base-ball.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 24 septembre 2013

Oui, ils ont sans doute l'impression d'être là "pour ça"... comme les gens qui applaudissent même quand c'est tarte : ils ont payé pour applaudir. On n'est pas plus malin en France.

Écrit par : Mine | mardi, 24 septembre 2013

Non, on n'est pas plus malin. Effectivement, on a souvent vu applaudir des navets, voire des choses ridicules au cinéma, au théâtre, au spectacle en général.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 24 septembre 2013

Il fait partie de cette liste de films à voir quand l'occasion se présentera et à chaque fois, je loupe la diffusion. Il faut dire que je regarde rarement la programmation télévisuelle.

J'avais vu une adaptation théâtrale avec dans le rôle principal... Michel Leeb. Malgré l'antipathie que j'ai pour lui, je m'étais laissé prendre par l'histoire, passionnante. J'imagine cependant que le film est autrement plus captivant, Henry Fonda étant d'une trempe "autre" que celle de Michel Leeb ; et ce noir et blanc propre au film que vous évoquez.

Écrit par : Sébastien | mercredi, 25 septembre 2013

Effectivement, les rôles, je l'ai dit, sont bien écrits et les interprètes costauds, notamment celui dont j'ai mis la photographie où il crie : le rôle était ingrat, difficile. Le comédien est excellent. Le banquier, austère, sûr de lui et dont l'assurance va se fissurer (photo au bas de l'article) est excellent aussi.

Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 25 septembre 2013

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