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jeudi, 20 juin 2013

La langue à la mode

929070_004.jpgAu hasard d’Internet, je me retrouve sur des sites de vente de vêtements, de chaussures, bref, des sites de mode. Je suis très chiffons, comme on dit, et ça ne me déplaît pas, mais l’intérêt pour la langue n’est jamais loin, surtout lorsque je peux lire l’argumentaire suivant :

« Avis aux modeuses : ces magnifiques ballerines aux coloris actuels sont le nouveau must have de la saison ! Ce modèle minimaliste se distingue par un bout pointu doré ou coloré qui joue les contrastes forts et donne un esprit extravagant superbe. Chaussées avec une jupe ou un slim, ces ballerines hyper-stylées donnent lallure à toutes vos tenues ! Voilà pourquoi elles sont un vrai must have. Dessus et première simili cuir, semelle synthétique ».

Et encore, j’ai rétabli l’orthographe et la ponctuation, sans quoi, cela devenait totalement incompréhensible.

On notera le néologisme (« modeuses »), l’anglais obligatoire, les points d’exclamation parfaitement superfétatoires et tellement galvaudés qu’on finit par les confondre avec le point, tout simplement – mais tellement convaincants, commercialement parlant. On remarquera les manies langagières (« joue », « forts », « un vrai »), l’ordre approximatif des adjectifs (« un esprit extravagant superbe » n’est pas exactement « un superbe esprit extravagant » et, cela dit, j’aimerais comprendre comment une chaussure peut donner non de l’esprit – à la rigueur – mais un esprit ; enfin, plutôt que le donner, il me semble qu’elle le confère bien davantage), le charabia (« donnent lallure »). On sourira, comme toujours, devant l’hyperbole (« hyper-stylées ») et la simple exagération (« toutes vos tenues »), qui contrastent avec une volonté de simplicité, que l’absurde tic de langage « minimaliste » est supposé traduire. Enfin, on prendra en compte la bizarrerie de la phrase : « Chaussées avec une jupe ou un slim, ces ballerines, etc. » (« portées », je crois, conviendrait mieux).

15:11 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (2)

lundi, 10 juin 2013

Un inventaire de la consternation

Hier soir, un DVD acheté d’occasion m’a délivré la quintessence de l’ennui et du ridicule, Vivre pour vivre de Claude Lelouch (1967). Un film où tout est mauvais, sans exception.

Je ne parle pas des acteurs : un film, ce n’est pas seulement des acteurs. C’est d’abord un montage, ici chaotique, suite de séquences collées. Des prises de vue, brouillonnes, caméra à l’épaule comme l’affectionne le cinéaste. Un cadrage, répétitif au possible, avec une contreplongée quasi systématique. Un propos, totalement perdu en cours de route avec les innombrables et interminables séquences documentaires, parfaitement inutiles, empoisonnantes à suivre et très mal filmées, parfois complaisantes donc suspectes, lorsque Lelouch traite de la violence, par exemple. Une vérité, malmenée par un filmage en plans serrés afin de figurer le Vietnam en guerre quand ces scènes ont été tournées avec quelques misérables figurants et du matériel militaire minable, je ne sais où, peut-être en Afrique, puisqu’une partie du tournage y a été effectuée. Une distribution, fort mal faite puisque Candice Bergen, incolore, inodore, sans saveur, donc inexistante, est supposée être préférée à Annie Girardot (on se demande bien pourquoi) par le personnage que joue Montand. Une rigueur, combien malmenée par l’absence de direction d’acteurs. Une recherche, quand ici tout est répétitif, monstrueusement répétitif, notamment les scènes tournées en muet qui permettent de figurer le temps qui passe, de rendre la durée et font économiser les efforts du dialoguiste (ne pas s’inquiéter, les séquences avec texte sont elles-mêmes comme muettes, vu l’inanité du dialogue). Une imagination, alors qu’on voit rouler cent trains, voguer cent péniches et décoller ou se poser cent avions. Une cohérence, mais le personnage de Montand, dont le niveau de vie est élevé, se promène durant les deux ou trois années qu’est supposée durer l’intrigue, avec le même blouson de daim, la même canadienne et à bord de la même voiture. Un style, las, ici, on a le sentiment de lire à l’envers, sur un buvard, des inscriptions presque illisibles. Un panache, or, la chute, la toute dernière séquence, est, comme on dit, « téléphonée », prévisible, prévisible, prévisible : je l’ai annoncée en hurlant de rire quelques secondes avant que, forcément, elle apparaisse à l’écran, noyant définitivement ce navet dans les eaux putrides du grotesque.

Je pourrais continuer cet inventaire de la consternation. À quoi bon ? C’est le genre de cinéma inacceptable, à fuir au plus vite.