lundi, 10 juin 2013
Un inventaire de la consternation
Hier soir, un DVD acheté d’occasion m’a délivré la quintessence de l’ennui et du ridicule, Vivre pour vivre de Claude Lelouch (1967). Un film où tout est mauvais, sans exception.
Je ne parle pas des acteurs : un film, ce n’est pas seulement des acteurs. C’est d’abord un montage, ici chaotique, suite de séquences collées. Des prises de vue, brouillonnes, caméra à l’épaule comme l’affectionne le cinéaste. Un cadrage, répétitif au possible, avec une contreplongée quasi systématique. Un propos, totalement perdu en cours de route avec les innombrables et interminables séquences documentaires, parfaitement inutiles, empoisonnantes à suivre et très mal filmées, parfois complaisantes donc suspectes, lorsque Lelouch traite de la violence, par exemple. Une vérité, malmenée par un filmage en plans serrés afin de figurer le Vietnam en guerre quand ces scènes ont été tournées avec quelques misérables figurants et du matériel militaire minable, je ne sais où, peut-être en Afrique, puisqu’une partie du tournage y a été effectuée. Une distribution, fort mal faite puisque Candice Bergen, incolore, inodore, sans saveur, donc inexistante, est supposée être préférée à Annie Girardot (on se demande bien pourquoi) par le personnage que joue Montand. Une rigueur, combien malmenée par l’absence de direction d’acteurs. Une recherche, quand ici tout est répétitif, monstrueusement répétitif, notamment les scènes tournées en muet qui permettent de figurer le temps qui passe, de rendre la durée et font économiser les efforts du dialoguiste (ne pas s’inquiéter, les séquences avec texte sont elles-mêmes comme muettes, vu l’inanité du dialogue). Une imagination, alors qu’on voit rouler cent trains, voguer cent péniches et décoller ou se poser cent avions. Une cohérence, mais le personnage de Montand, dont le niveau de vie est élevé, se promène durant les deux ou trois années qu’est supposée durer l’intrigue, avec le même blouson de daim, la même canadienne et à bord de la même voiture. Un style, las, ici, on a le sentiment de lire à l’envers, sur un buvard, des inscriptions presque illisibles. Un panache, or, la chute, la toute dernière séquence, est, comme on dit, « téléphonée », prévisible, prévisible, prévisible : je l’ai annoncée en hurlant de rire quelques secondes avant que, forcément, elle apparaisse à l’écran, noyant définitivement ce navet dans les eaux putrides du grotesque.
Je pourrais continuer cet inventaire de la consternation. À quoi bon ? C’est le genre de cinéma inacceptable, à fuir au plus vite.
15:46 Publié dans Fauteuil payant | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Quelle descente en flèche ! J'avais pourtant imaginé, sans l'avoir vu, que ce film réalisé dans la foulée d'Un Homme et Une Femme, en possèderait l'audace et le style. Il n'en est apparemment rien. La musique de Francis Lai ne le sauve pas?
Écrit par : richard | mercredi, 04 septembre 2013
Non, une musique ne peut sauver un film à elle seule, ce n'est pas possible. Franchement, ce film est vraiment consternant. Il est pourtant célèbre. Est-ce qu'il a tout simplement vieilli, énormément vieilli ? Pourtant, d'autres films de 1967, et même de plus anciens, peuvent parfaitement être regardés aujourd'hui. La chute est à mourir de rire, mais d'un rire grinçant : "Ce n'est pas possible ? Lelouch ne va pas faire ça, il n'osera pas ?" Eh bien, oui, il ose. Et se ridiculise.
Écrit par : Jacques Layani | mercredi, 04 septembre 2013
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