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lundi, 05 mai 2008

Vingt ans passent vite

Chez Corti où j’étais allé acheter les deux livres de Gracq que je ne possédais pas encore, je risquai une question sur les inédits que tous les auteurs possèdent inévitablement. Pouvait-on espérer une publication ? Son éditrice me répondit très aimablement que Gracq avait, par testament, rigoureusement interdit toute publication de ses inédits jusqu’à vingt ans après son décès – et que, par conséquent, il me faudrait revenir en 2027. Elle m’encouragea en m’assurant, avec un beau et amical sourire, que vingt ans passaient vite. Plus sérieusement, il se trouve que Gracq avait voulu empêcher toute exploitation éditoriale de son œuvre dans un but commercial, sachant combien, de nos jours, la mort augmente considérablement la valeur marchande. Vingt ans, avait-il pensé, sauraient faire le tri et laisser voir si persistait un intérêt pour son œuvre.

Je hasardai une autre interrogation : existait-il une correspondance ? On m’assura que non, qu’il n’était pas homme à cela, qu’on ne pourrait vraisemblablement trouver que de brèves missives à l’image de celles qu’il envoyait à ses éditeurs, lettres qui n’avaient d’autre intérêt que de régler une question pratique immédiate.

Commentaires

Content de te lire un tant soit peu, Jacques.

A propos de correspondance, je signale la parution chez Gallimard de "J'ai tout ce que j'ai donné", un recueil de lettres de Jean Giono, écrites à ses parents, sa famille et ses amis. C'est très émouvant. Quelques photos agrémentent l'ouvrage préfacé par sa fille, de même qu'une courte biographie. J'ai commencé à le lire ce dernier samedi dans un lit de sauges, à l'ombre d'un grand frêne peuplé de fauvettes. Le bonheur.

Écrit par : Richard | mardi, 06 mai 2008

Vingt ans? C'est une réponse très littéraire, digne de Dumas père.

Écrit par : Feuilly | mardi, 06 mai 2008

J'ai entendu dire que ce livre de Giono était sorti, oui. Cela fait un livre de plus à acheter, à lire, ma liste s'allonge.

Cette histoire de vingt ans est à la fois admirable et agaçante. C'est sa volonté, soit. Mais c'est aussi un suicide post-mortem, forme inédite d'anéantissement.

Écrit par : Jacques Layani | mardi, 06 mai 2008

Il existe cependant une correspondance de Gracq dont on a pu avoir une rapide connaissance, elle est amoureuse. Il en avait laissé paraître un bref extrait (je n'ai plus les références exactes) et on peut trouver des échos à cette histoire dans la Presqu'île (qui est son adieu à la forme romanesque). Je sais, cela peut paraître un peu étonnant qu'un homme aussi pudique que Gracq ait mis sur la place publique une chose aussi personnelle, aussi brève soit-elle dans la forme et sans beaucoup de détails, mais il s'est sans doute repenti ensuite d'avoir donné prise à la littérature du trou de serrure ou du tout à l'égo. Il y a une césure dans l'oeuvre de Gracq et elle correspond à une crise sentimentale dont on ne sait pas grand-chose. Peut-être a-t-il fait détruire les lettres en question ? Peut-être a-t-il demandé que l'on diffère le plus possible cette correspondance et qu'on en parle le moins possible ou qu'on nie son existence ? En tout cas, c'est le point de passage obscur.

Écrit par : Dominique | lundi, 26 mai 2008

Ah, voilà qui est intéressant. C'est en effet avec La Presqu'île qu'il abandonne l'écriture romanesque. Je me demandais pourquoi. En l'absence de biographie stricto sensu, comment savoir ? Doit-on savoir, d'ailleurs ?

Cela étant, malgré ce qu'on a pu me dire chez Corti, je demeure persuadé qu'il adressait des lettres à tel ou tel de ses amis, ou à tout autre correspondant. Né en 1910, il était l'homme de la lettre manuscrite davantage que du téléphone. Je ne parle même pas de l'ordinateur qu'il n'a jamais eu ni d'une simple machine à écrire qu'il n'a jamais eu non plus (c'est lui qui le dit, je ne sais plus où). Quand on continue, sa vie durant, à écrire à la main, à faire des manuscrits au sens propre, on tient forcément une correspondance. J'en suis certain.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 26 mai 2008

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