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vendredi, 23 novembre 2007

Des livres de notre temps

Je ne veux pas parler ici des ouvrages que je considère comme des boîtes de chocolats, calamités dont j’ai déjà entretenu les promeneurs de la rue Franklin. L’âge d’or annuel de ces cochonneries est en train de renaître, à l’approche de cette sinistre période dite des « fêtes » de fin d’année, ce moment durant lequel l’intelligence, en veilleuse depuis des décennies – et singulièrement depuis mai dernier – se mue carrément en  un gigantesque ventre dans lequel s’agitent en tous sens les crieurs essoufflés des braderies commerciales.

Je veux plutôt évoquer des livres de vente courante dont l’aspect, de plus en plus, a été modifié par une nécessaire adaptation. Le livre, notre cher livre, n’est jamais mort des cent mille trépas qu’on a annoncés pour lui. Il n’est pas passé à cause de la fièvre cinématographique, il n’est pas décédé du virus télévisuel, il ne l’a pas glissée comme suite à l’épidémie iconographique qui, désormais, étend sur nos sociétés son « chimérique empire », comme disait La Fontaine.

Depuis l’apparition d’internet, le livre, une fois encore, s’est adapté. Il se présente de plus en plus comme un objet ludique et l’édition française (il en va sans doute de même ailleurs) est parvenue à lui conférer l’aspect d’un écran proposant des fenêtres et des liens. J’ai observé récemment un album consacré à un comédien. Peu importe lequel, peu importe également que l’on considère ou non cet objet comme un livre digne de notre attention et de notre intérêt. Il n’en reste pas moins qu’il est présenté comme un site internet – ou, tout au moins, qu’il suggère un site et sa visite selon le mode exploratoire qui nous est devenu familier. Fenêtres qui s’ouvrent dans les pages, livrets qui se glissent dans des fentes ménagées dans les feuillets (ce qui fait irrésistiblement penser à des liens), illustrations abondantes, colonnes de texte considérées non pour leur contenu à proprement parler, mais comme des objets, des items comme on en croise sur nos écrans, quadrichromie généralisée… Il ne manque que le son – mais le multimédia a déjà imaginé la fréquente insertion de CD dans les livres, donc, nous y sommes déjà. Ce qui m’importe ici, c’est que cet objet – du reste plaisant, il faut le dire, est bien présenté comme un livre et proposé comme tel.

Un autre ouvrage renfermant une étude consacrée à un ancien surréaliste devenu auteur de romans populaires, vint de paraître. Il ne s’agit pas ici d’un objet, mais bien d’une étude. Cependant, l’iconographie est si abondante, la titraille si accrocheuse, la marche si publicitaire, qu’on ne peut s’empêcher de rester coi devant ce volume, par ailleurs fort bien fait. Bien sûr, la quadrichromie, ici aussi, est obligatoire, avec son corollaire : le papier glacé qui, couplé aux progrès de la technique numérique, permet les meilleures reproductions, le meilleur rendu des couleurs. Inconvénient immédiat : le poids. On a remarqué, je pense, que les livres sont de plus en plus lourds et cela n’est pas dû qu’à mon âge avançant et à mes forces déclinantes, mais bien, purement et simplement, à l’abus du papier de très fort grammage, augmenté d’un autre, celui du corps de caractère de plus en plus important, comme si lire était devenu si difficile qu’il fallait en passer par là. Dernier corollaire : le coût puisque, bien entendu, la couleur et le papier grèvent considérablement le prix de revient et, donc, celui de vente.

Je ne porte pas ici de jugement et ne veux pas me poser en ancien combattant de la chose imprimée. J’observe uniquement, d’un œil intéressé, les mutations du livre. Et je me dis qu’après tout, il ne s’agit peut-être que d’explorer jusqu’au bout des idées anciennes. Le livre animé, en effet, existe depuis très longtemps (les images découpées surgissant en relief lorsqu’on tourne la page, les livrets encartés dans les feuillets). Et le livre ludique aux titres accrocheurs également (les almanachs). Alors, il n’y a peut-être rien de fondamentalement nouveau sous le soleil éditorial.

16:10 Publié dans Édition | Lien permanent | Commentaires (6)

Commentaires

Tiens, le même jour, vers la même heure, je lisais une page du journal 2004 de Renaud Camus dans lequel il emploie aussi ce beau mot de "titraille". (Au demeurant, il défend, lui, ce que tu nommes les boîtes de chocolat et qu'il appelle "coffee table books". Je te retrouverai l'extrait, pour débat.)

Pour ce qui est des livres présentés comme des sites Web, je crois que le dernier roman traduit de Danielewski joue sur les codes de représentation de l'hypertexte, mais ce n'est pas le premier...

Écrit par : Guillaume | lundi, 26 novembre 2007

Titraille, marche, sont des termes de typographie tout ce qu'il y a d'authentique.

"Coffee table books", l'appellation a déjà été exposée ici par Dominique Autié, au cours de discussions précédentes.

Je précise bien que je n'ai fait ici qu'observer une évolution, sans porter de jugement.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 26 novembre 2007

Merci pour la précision concernant Dominique Autié.

Je savais que "titraille" était le terme technique, mais est-ce que cela interdit de le trouver "beau" ?

Écrit par : Guillaume | lundi, 26 novembre 2007

Bien sûr que non. Au contraire, je trouve beaux, justement, tous les termes d'imprimerie.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 26 novembre 2007

S'il s'agit de Léo Malet, c'est une réédition que l'on peut obtenir à vil prix dans son premier état.
http://cgi.ebay.fr/ws/eBayISAPI.dll?ViewItem&item=230195240935
Ah ! J'ai aussi aperçu en nouveauté un livre-boîte de chocolats chez Marsu : Franquin et les voitures.

Écrit par : Dominique | lundi, 26 novembre 2007

Il s'agit bien sûr de Léo Malet, mais ce n'est pas ce livre, ça a l'air d'être une nouveauté, apparemment.

J'ai justement vu cet après-midi Le Garage de Franquin, puisque c'est le titre... 35 euros.

Écrit par : Jacques Layani | lundi, 26 novembre 2007

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