mercredi, 17 octobre 2007
Mon amour, où trouver l’ultime île déserte ?
L’extrême quantité de sottises que je lis, sur le site du Monde, dans les réactions des lecteurs aux différents articles touchant la réforme des régimes spéciaux de retraite et les grèves, me laisse sans voix. On a longtemps dit que Le Monde était le journal de l’élite, une feuille pour intellectuels, des choses comme ça. Pourtant, les lecteurs qui s’expriment ressemblent réellement à des exténués du cerveau. Et je ne parle pas des idées reçues ! Mon Dieu, quelle accumulation de clichés, exprimée dans une langue d’une pauvreté inimaginable.
La haine envers les idées de gauche – comme si celles-ci n’avaient pas pour but de défendre même leurs contempteurs – est incroyable. La société a réellement viré à droite, et à droite toute. Tous ces cocus de l’histoire sont fiers de leur mésaventure. Inimaginable ! Tous les lieux communs y passent, à commencer par la représentativité des syndicats, supposée presque nulle. Il ne vient pas un instant à l’esprit de ces lumineux penseurs qu’un syndicat, quel qu’il soit, représente aussi les non-syndiqués et qu’on n’a jamais vu un non-gréviste refuser de bénéficier d’un acquis obtenu par la grève. Jamais. Connaissez-vous un non-gréviste ayant refusé une augmentation ? Une diminution des charges de travail ? Ah, vraiment, quelle bande de sombres crétins !
Il ne leur vient même pas à l’esprit, à ces tarés de la réflexion, que ce contre quoi peut lutter un gréviste, quel qu’il soit, est susceptible de leur retomber sur le nez demain matin. L’individualisme – dans le sens le plus égoïste du mot – a tellement poussé dans le terreau social que ces abrutis livides ne comprennent même pas l’inextricable façon dont sont liés les intérêts des uns et des autres. L’intoxication du journal télévisé, véritable Bureau officiel du Cliché, est telle que tout le monde répète à l’envi les mêmes sottises dans les mêmes termes, avec la même assurance qui ne repose sur rien.
La société est devenue pour moi totalement illisible. Elle me donne envie de vomir.
20:25 Publié dans Société | Lien permanent | Commentaires (5)
Commentaires
Les espaces de discussions des journaux dits de gauche sont phagocytés par des gens de droite, c'est aussi vrai pour le Nouvel Obs, Libé ou Marianne. Cela ne reflète pas les idées des journaux en question, mais l'entrisme de prétendus lecteurs. On observe le même phénomène dans les médias plus indépendants comme Rue89 et Arrêt sur images : il y a volonté d'occupation totale de l'espace par les gens de droite, voire d'extrême droite chez Barbier ou Aphatie. On ne s'est pas décidé à les virer une bonne fois, alors ils prennent la place. Et pendant ce temps les gens de gauche ne vont pas écrire dans les forums ou blogues de droite... Trop honnêtes...
Écrit par : Dominique | mercredi, 17 octobre 2007
Trop honnêtes ?
Ou ayant sans doute mieux à faire. Vivre, par exemple.
Ces rats d'écrans aux yeux de lapin en plein accès de myxomatose doivent avoir une vie bien vide, bien triste et bien pâlichonne (orth ?), pour passer autant de temps à polluer les sites de gens qu'ils méprisent autant qu'ils les craignent !
Écrit par : Fanny | mercredi, 17 octobre 2007
Cette haine envers les idées de gauche (ou plus généralement envers des idées qui veulent mettre le respect de l’homme et son bien-être au centre du débat) est curieuse en effet et omniprésente. Dans les années 70, quand j’étais adolescent, on ne rencontrait rien de tel. Quelle explication donner à cela ?
Il est clair que la crise économique a créé des réflexes inattendus. Les gens sont prêts à accepter n’importe quel travail et à l’exercer dans n’importe quelles conditions. Le fait de revendiquer quelque chose est perçu comme un luxe déplacé et anachronique. Dans les anciens bassins sidérurgiques (Lorraine, Wallonie, Nord-Pas de Calais), on a souvent dit que les firmes fermaient à cause des syndicats. Ce qui est faux, évidemment. Mais il est clair que le patronat demandait d’abord de travailler plus pour gagner moins. Devant le refus syndical, les grèves commençaient puis l’usine fermait. Dans les mentalités (et surtout chez les plus jeunes), l’idée est restée qu’il faut collaborer le plus possible avec les patrons et travailler un maximum pour s’enrichir le plus possible.
J’ai rencontré comme cela pas mal de jeunes cadres dynamiques. Ils sont pénibles à vivre. Leur plus grand mépris, ils le portaient aux syndicats, qui selon eux encourageaient les gens à être fainéants. Eux, ils se levaient tôt, travaillaient tard, gagnaient beaucoup d’argent, n’avaient aucune culture (ou alors de façade) et montraient ostensiblement leurs signes extérieurs de richesse (golf GTI, pratique du tennis, vacances au club Med., etc.) Des Sarkozy avant la lettre.
Les jeunes d’aujourd’hui ont tout reçu de leurs aînés (confort, argent de poche, loisirs). Ils ne comprennent pas que tout ce que leurs parents leur ont offert est le résultat d’une lutte antérieure et que rien n’est jamais acquis. Ils plongent à pied joint dans la société qu’on leur propose (celle de l’argent et de la consommation) sans se rendre comte qu’ils risquent de tout perdre s’ils ne défendent pas leurs droits acquis.
Il y a aussi une sorte de snobisme à affirmer qu’on travaille 15 heures par jours. Dans notre société, cela fait bien.
Écrit par : Feuilly | jeudi, 18 octobre 2007
Tout ce que tu dis est juste, Feuilly, y compris le snobisme du "travailler beaucoup".
Dominique, Fanny : pour ce qui est des réactions des lecteurs du Monde, une chose m'embête : il faut être abonné au Monde.fr pour s'exprimer. Des crétins iraient donc s'abonner uniquement pour venir dire des idioties en charabia ? Ils sont donc encore plus idiots que je ne le pensais.
Écrit par : Jacques Layani | jeudi, 18 octobre 2007
Non, je ne pense pas qu'il y ait une volonté délibérée des gens de droite de venir occuper l'espace Internet des gens de gauche.
Je crois malheureusement que la société a changé. C'est du chacun pour soi. Plus la crise est présente et plus on ne pense qu'à tirer son épingle du jeu. Si moi j'ai du travail et si je gagne ma vie, alors je peux mépriser le chômeur qui lui n'a rien. Au fond de moi je sais que j'ai eu de la chance. Mais c'est plus facile (pour ne pas reconnaître cette vérité) de dire que le chômeur est un fainéant et que s’il n’a rien, c’est qu’il n’a pas cherché de travail. De plus, mon petit revenu me permet de le mépriser, lui qui a encore moins. C’est avec cette mentalité là que Sarkozy s’est fait élire.
Et puis, pourquoi, dans cette logique, aller s’engager dans des luttes syndicales ? Il faut montrer au contraire qu’on est courageux, que cet argent qu’on gagne nous est dû à cause de notre dur labeur. On ne récompense que les bons éléments. On se lève tôt et on fait des heures supplémentaires (comme le patron, finalement). Le soir, on peut mépriser encore davantage le voisin chômeur qui n’a que ce qu’il mérite.
Et s’il arrive malheur à un autre travailleur, tant mieux. C’est bien fait pour lui, surtout si au départ il avait un meilleur travail que le mien (statut protégé, meilleur salaire, bonne pension). D’où cet acharnement à se réjouir quand on démantèle les statuts de la fonction publique.
Voilà comme le monde fonctionne.
« Lupus homini lupus est ».
Il suffit de lire les raccourcis saisissants de certains, par ailleurs bons lecteurs.
http://pierrecormary.blogspirit.com/archive/2007/10/07/l-ordure-absolue.html
Écrit par : Feuilly | jeudi, 18 octobre 2007
Les commentaires sont fermés.