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vendredi, 10 mars 2017

Amitié

Ce texte a été écrit en 1982.

L’amitié est un roman d’amour détourné. Une amitié qui tourne court est une nouvelle ratée.

Je sais des amis qui se taisent longtemps et qui, de quinze-cents kilomètres plus loin, vous envoient de temps à autre un mot qui vous parle d’eux.

Je sais des amis qui vous glissent entre les doigts comme un savon.

Je sais des amis qu’on oublie parce qu’on les a ratés.

Je sais des amis qu’on croyait, qu’on a cru être tels et dont la présence était tellement chaude qu’elle vous a brûlé.

Je sais des amis qui devaient être liquides, puisqu’ils se sont évaporés.

Je sais des amis insupportables, qui n’ont jamais été à l’heure une seule fois durant de nombreuses années.

Je sais des amis qui, avec le temps, ont pu évoluer autrement que vous, si bien que le sentiment s’est égaré en utilisant une carte qui n’était pas à jour et ne signalait pas les déviations.

Je sais des amis teinturiers qui vous nettoient à sec, ce qui fait mal mais vaut peut-être mieux que de vous passer la brosse à reluire.

Je sais des amis marque-page, que l’on retrouve au détour de son livre intime.

Je sais des amis qui trouvent normal de partir un jour avec votre femme.

Je sais des amis qu’on rêve et qu’on ne trouvera pas.

Je sais des amis qui n’ont pas eu le temps de le devenir et des amis que le temps a fait devenir autre chose (autre chose qu’eux-mêmes, parfois).

Je sais des amis impitoyables, qui vous moquent sans cesse et vous bousculent pour vous faire vous rendre compte de votre laisser-aller.

Je sais des amis qu’on oublie parce qu’ils ne sont pas des amis.

Je sais des amis qui ne sont pas du même milieu que vous, que tout oppose à vous et qui pourtant sont chauds en certaines circonstances.

Je sais des amis qui donnent et des amis qui prennent, de ceux-là surtout.

Je sais des amis qui vous donneraient leur chemise et d’autres qui prendraient votre pantalon.

Je sais des amis qui ne sont plus que des photographies datées dans un album.

Je sais que l’amitié est louche et je finis par croire que, contrairement à la légende, elle est aussi éphémère que l’amour.

Ces amitiés mourantes dont on s’obstine à vouloir tirer quelque chose ressemblent à ces tubes de dentifrice quasiment vides qu’on n’en finit pas de presser et de tordre et qui finissent par mourir tristement au fond d’un verre à dents taché.

19:26 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (0)