mardi, 28 juillet 2015
André Caroff, romancier populaire, 3
La quatrième de couverture des Prisonniers, le seul texte qu’il fit paraître, en 1966, dans la collection « Grands romans » du Fleuve Noir, précise : « Rarement satisfait de ce qu’il écrit, il (…) ne se considère pas comme un grand écrivain, jette un regard oblique et un peu dubitatif sur les critiques qui, comme celle de Maurice-Bernard Endèbre par exemple, prétendent : “André Caroff continue à témoigner d’un louable souci d’originalité et de qualité, jusque dans les déclarations de ses héros” ».
Maurice-Bernard Endèbre (1918-2005) était écrivain, traducteur de l’anglais et de l’américain, préfacier. Il publiait sous différents pseudonymes (Maurice Derbène, Guy Hollander, Louise Lalane, Roger Martens).
Chez Caroff, la recherche du renouvellement est réelle. Prenons l’exemple de deux romans parus à trois ans d’intervalle, un seul les séparant, du moins dans la collection « Spécial-Police ». Le Frangin est une histoire de vendetta qui tourne mal, une vendetta jamais dénuée d’aspects humains ni, évidemment, de ces rebondissements qui sont une des caractéristiques de l’auteur. Pour l’essentiel, elle a lieu dans la région lyonnaise. À l’opposé, En mâchant mon pop-corn se déroule près du Mexique, dans une atmosphère de western, et il s’agit d’un récit à la première personne, effectué par un garçon de quinze ans.
La remarque d’Endèbre est juste et la modestie de Caroff plaisante. Dans le texte de quatrième de couverture déjà cité, l’écrivain affirme lui-même : « On ne triche pas avec les lecteurs car, dans tout ce qui s’écrit, il doit y avoir une part de vérité. S’il n’y a rien d’autre que du vent, si on n’y met pas un peu de son cœur, le lecteur le sent et referme le bouquin… Pourquoi écrirais-je des livres que personne ne voudrait finir ? ».
Titres de la collection « Spécial-Police » (Fleuve Noir éditeur) cités dans l’article :
La Gamberge, n° 898, 1971.
Les Yeux de la tête, n° 973, 1972.
Le Frangin, n° 1094, 1974.
En mâchant mon pop-corn, n° 1333, 1977.
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lundi, 27 juillet 2015
André Caroff, romancier populaire, 2
Essai de bibliographie d’André Caroff
Sources :
Les lectures de l’Oncle Paul, www.polar-sf.fr, recherches personnelles
(soit deux-cent-trois livres, sous réserve de corrections ultérieures et d'ajouts éventuels)
AUX ÉDITIONS FLEUVE NOIR
Collection « Angoisse »
Hallucinations, n° 73
La Barracuda, n° 75
Névrose, n° 77
Le Dernier taxi, n° 80
Clameurs, n° 83
Le Sang du cactus, n° 88
Griffe de mort, n° 94
Le Médium, n° 96
L'Heure des morts, n° 103
L'Oiseau de malheur, n° 104
Cruauté mentale, n° 106
La Sinistre Madame Atomos, n° 109
Madame Atomos sème la terreur, n° 115
Madame Atomos frappe à la tête, n° 120
Miss Atomos, n° 124
Miss Atomos contre KKK, n° 130
Le Retour de Madame Atomos, n° 134
L'Erreur de Madame Atomos, n° 136
Madame Atomos prolonge la vie, n° 140
Les Montres de Madame Atomos, n° 143
Madame Atomos crache des flammes, n° 146
Madame Atomos croque le marmot, n° 147
La Ténébreuse Madame Atomos, n° 152
Madame Atomos change de peau, n° 156
Madame Atomos fait du charme, n° 160
L’Empreinte de Madame Atomos, n° 169
Madame Atomos jette un froid, n° 173
Madame Atomos cherche la petite bête, n° 177
La Nuit du monstre, n° 192.
Collection « Anticipation »
Le Rideau de brume, n° 457
La Guerre des Nosiars, n° 489
Les Êtres du néant, n° 513
La Planète infernale, n° 529
Ceux des ténèbres, n° 553
L'Exilé d'Akros, n° 567
Le Bagne de Rostos, n° 613
Electronic man, n° 833
Rhésus Y 2, n° 850
Les Combattants de Serkos, n° 872
Les sphères attaquent, n° 950
Bactéries 3000, n° 956
Rod, combattant du futur, n° 962
Rod, menace sur Oxima, n° 974
Rod, patrouille de l'espace, n° 1026
Rod, Vacuum 02, n° 1035
Un autre monde, n° 1105
Captif du temps, n° 1117
Métal en fusion, n° 1147
Terreur psy, n° 1167
Le Piège des sables, n° 1175
L'Oiseau dans le ciment, n° 1203
Élimination, n° 1237
Ordinator-Labyrinthus, n° 1245
Simulations, n° 1250
Deux pas dans le soleil, n° 1309
Ordinator-Macchabées, n° 1327
Ordinator-Phantastikos, n° 1342
Ordinator-Erôtikos, n° 1361
Ordinator-Criminalis, n° 1378
Ordinator-Ocularis, n° 1396
Ordinator-Craignos, n° 1404
Ordinator-Rapidos, n° 1418.
Collection « Espionnage »
Visa pour Formose, n° 529
Opération canal 2, n° 548
Le Guêpier de Genève, n° 584
Un porte-clefs pour Tokyo, n° 624
Le Camp du serpent, n° 651
Réseau contamination, n° 680
Candidats à la mort, n° 724
Banquet des espions, n° 734
Objectif élimination, n° 766
Secteur 44, n° 791
Compartiment 820, n° 843
Coulez le « Kashii Maru », n° 851
Incognito, M. Bonder ?, n° 885
Les Heures sombres de Bonder, n° 907
Go home, Bonder !, n° 925
Bonder casse la baraque, n° 962
Bonder plombe le pigeon, n° 976
Bonder passe au CUSI, n° 993
Bonder grille le stop, n° 1017
Bonder en filigrane, n° 1046
Bonder en solo, n° 1067
Bonder et le blé chinois, n° 1073
Bonder super-tueur, n° 1110
Bonder et ses loups, n° 1139
Bonder lève le rideau, n° 1141
Bonder dénude la Madone, n° 1149
Bonder en duplex, n° 1173
Bonderscopie, n° 1181
Bonder and Co, n° 1206
Bonder crève l'écran, n° 1225
Bonder riposte, n° 1249
Bonder Opération-Magie, n° 1258
Bonder et la « Marie-Salope », n° 1267
Bonder contre Dr Astro, n° 1292
Bonder « Mach 3 », n° 1316
Bonder bondérise l'éclopé, n° 1340
Bonder mission suicide, n° 1357
Bonder et la poupée russe, n° 1380
Bonder connexion 12, n° 1393
Bonder recolle les morceaux, n° 1407
Bonder en péril, n° 1430
Bonder dans l'engrenage, n° 1451
Bonder stade zombi 4, n° 1464
Les Carnassiers, n° 1473
Bonder top-niveau, n° 1487
La Technique du citron, n° 1502
Merci les amis, n° 1540
Bonder donne l'estocade, n° 1544
Six jours de survie, n° 1549
Nous savons des choses que vous ignorez, n° 1575
Vous devez garder le secret, n° 1590
Hier un espion est mort assassiné, n° 1608
Citoyens dormez en paix tout est tranquille, n° 1620
Opération homo, n° 1633
Vous avez un passeport pour Caracas, n° 1639
La Loi des dominos, n° 1658
Préparez-vous à mourir brutalement, n° 1680
La Politique du crabe, n° 1703
Mettez toutes les chances de votre côté, n° 1713
La Roue de l'écureuil, n° 1718
Vous finirez comme Chung Hsin Chau, n° 1735
Le Complexe du lapin, n° 1779
Ces chiens qui hurlent la nuit, n° 1782
Nous allons limiter notre espérance de vie, n° 1793
Forcing, n° 1803
Terroristes, n° 1819
Raptus, n° 1823
Cibles, n° 1835
Rapaces, n° 1844
Collection « Grands romans »
Les Prisonniers
Collection « Spécial-Police »
L'Incroyable M. Beachet, n° 324
La Bouche d'égout, n° 340
L'Embuscade, n° 363
Les Associés, n° 378
Mort d'un libraire, n° 395
Des gants pour la peau, n° 420
Les Insurgés, n° 437
Quatre dames dans un filet, n° 447
Les Sournoises, n° 464
Meurtres en commun, n° 480
De face et de profil, n° 513
L'Homme qui cherchait son passé, n° 537
Mort imminente, n° 555
Le Rendez-vous d'Annecy, n° 578
Histoire de tuer, n° 598
Le Rat de Rio, n° 646
Traquenards à Syracuse, n° 672
Conduite forcée, n° 677
Pour 500 000 dollars, n° 695
La Condamnée de Gardena, n° 710
Au rendez-vous des petites heures, n° 730
La Douloureuse, n° 741
La mort a ses raisons, n° 768
La Grande castagne, n° 799
Signes particuliers, n° 831
Fifty fifty, Jerry ?, n° 873
La Gamberge, n° 898
Roméo et Jerry, n° 917
N'arrête pas la musique, n° 943
Pour l'honneur du mitan, n° 961
Les Yeux de la tête, n° 973
Touche pas à la fillette, n° 1016
Les Mitrailleurs, n° 1034
La Frime, n° 1051
Le Battant, n° 1066
Le Frangin, n° 1094
Un certain Giorgio, n° 1116
En mâchant mon pop-corn..., n° 1333
En suivant la piste, n° 1357
Te laisse pas abattre, n° 1390
Mort pour mort, n° 1439
Sans autre forme de procès, n° 1519
Une cible dans le dos, n° 1560
Opération Bégonia, n° 1624
Collection « Gore »
Extermination, n° 83
Collection « Espiomatic »
Sous le pseudonyme de Daïb Flash
Flash sur Rome, n° 31
Flash sur Berlin, n° 35
Flash sur Londres, n° 36
Flash sur Paris, n° 40
Flash sur Amsterdam, n° 44
Flash sur Luxembourg, n° 47
Flash et la panthère rose, n° 50
Flash sur Dublin, n° 55
Flash au cœur, n° 59
Flash sur Bruxelles, n° 65
Flash Fugu, n° 67
Flash otages, n° 71
Flash caracolès, n° 73
Flash et les femmes battues, n° 76
Flash et ceux qui craquent, n° 83
AUX ÉDITIONS HUNTER
Sous le pseudonyme de Rod Garaway
Collection « Force Knack »
Du sang dans le soleil, n° 1
Baroudeurs-kangourous, n° 3
Intensité 12, n° 4
Carnage-party, n° 5
Mambo-Traquenard, n° 6
Vendetta-Roma, n° 7
Corrida sanglante, n° 8
AUX ÉDITIONS LE PYTHON
Sous le pseudonyme de Ram Storga
Collection « Érotic fiction »
Vihila, la planète de la débauche, n° 3
AUX ÉDITIONS RIVIÈRE BLANCHE
La Couronne de fer, n° 2020
Les Enfants du mandarin, n° 2035
Sun Song le mandarin, n° 2059
La Mort d’un mandarin, n° 2113
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samedi, 18 juillet 2015
André Caroff, romancier populaire
Fondées par Armand de Caro, les éditions Fleuve Noir, avec leurs cent collections, étaient un des fleurons de la littérature populaire, vivier de mille auteurs catalogués « de gare » avec une intention péjorative. Or, les romans du Fleuve étaient plutôt bien écrits. Certes, leur langue était simple, les descriptions très brèves et l’action prioritaire, mais cela ne signifie nullement qu’ils étaient mauvais, loin de là. Ces dix mille titres représentant près d’un milliard d’exemplaires imprimés et vendus avaient l’honnêteté d’être ce qu’ils étaient et n’ont jamais prétendu à davantage. En espérant que paraisse un jour une histoire complète de ces éditions qui ne méritaient pas ce qu’on disait parfois d’elles et exercèrent leur activité durant un demi-siècle, on lira avec profit Fleuve Noir, 50 ans d’édition populaire, sous la direction de Juliette Raabe, Bibliothèque des littératures policières, 1999, et les souvenirs d’un des auteurs, Gilles Morris-Dumoulin, Le Forçat de l’Underwood, Manya, 1993. Ces ouvrages sont épuisés, mais des exemplaires demeurent disponibles sur les différents sites de vente en ligne de livres d’occasion. Bien sûr, on n’oubliera pas l’illustrateur des couvertures, le génial Michel Gourdon (1925-2011) qui donna un visage à toutes les collections, à l’exception d’« Anticipation », dont les jaquettes sont dues à René-Louis Brantonne (1903-1979).
André Caroff fut un des auteurs du Fleuve Noir.
Notice biographique
La partie biographique de cet article doit beaucoup au blog Les lectures de l’Oncle Paul, à qui j’emprunte bien des éléments et que je remercie vivement. Le blog À la recherche du polar a contribué à la compléter, je le remercie également.
André Caroff (pseudonyme d’André Carpouzis) est né le 28 février 1924 à Paris VIe. Il est décédé le 13 mars 2009, à Paris également. On lui connaît d’autres noms : Daïb Flash ; Rod Garraway ; Daniel Aubry, pseudonyme dont il signe des nouvelles dans le journal Nous Deux ; Daniel Thomas, utilisé pour des téléfilms ; Ram Storga. Il a aussi donné des contes au Parisien libéré, des énigmes à l’hebdomadaire Marius et a écrit des émissions pour France-Inter.
Son père grec, sa mère auvergnate d’origine bretonne furent artistes de music-hall. Sa mère, Lucienne Michel, a également signé aux éditions Fleuve Noir des romans d’angoisse et d’autres, policiers, sous le pseudonyme masculin de José Michel. À cette époque en effet, rares sont les femmes qui s’avancent sur le front de la littérature populaire sous leur propre nom. Au Fleuve Noir toujours, Marie-Anne Devillers, elle, signe Mario Ropp. Quant à Susan Vialad dont on pourrait penser qu’elle constitue une exception, il n’en est rien, tout au contraire, puisqu’il s’agit du pseudonyme féminin de Robert Debeurre.
À la mort de son père, en 1939, Caroff exerce ces métiers qu’on dit « petits » et qu’il était alors plus aisé qu’aujourd’hui d’épouser : regommeur de pneus, peintre, décorateur, cloueur, nickeleur, cycliste pour la Défense passive, cycliste aussi pour une pharmacie, ouvrier en menuiserie, détective privé. Il se marie en 1942 et monte avec sa femme un numéro de claquettes, puis devient régisseur avant de s’engager dans l’armée, en 1945.
Quelques mois plus tard, Caroff est engagé au théâtre Mogador pour No No Nanette, comédie musicale américaine sur la musique de Vincent Youmans et le livret d’Otto Harbach, travail qu’il complète par la radio et le cinéma, puis il est embauché chez Citroën et chez Larousse (emballeur puis préparateur de commandes) avant de vendre des cravates sur les marchés parisiens et de devenir garçon de courses à la légation de Birmanie, tout en jouant, le soir, dans Rêve de valse d’Oscar Straus, livret de Felix Dörmann et Leopold Jacobson, et Violettes impériales de Vincent Scotto. En 1952, le voilà représentant en mobilier de bureau et, simultanément, agent d’assurances. En 1954, il devient directeur commercial avant de se reconvertir en chauffeur de taxi.
Au volant, il passe dix heures par jour, en consacre quatre autres à l’écriture, et commence alors la série classique des refus d’éditeurs : trois manuscrits sont repoussés. Après une période de dépression, il exerce l’emploi de second de rayon au Bazar de l’Hôtel de Ville. Sa fille Catherine naît en 1956.
En septembre 1960, il se retrouve au Fleuve Noir. Françoise, sa seconde fille, naît en 1962. Il continue de conduire ses clients dans son taxi et ce n’est qu’en 1965 qu’il peut vivre de l’écriture. Il part vivre à Annecy où il devient président d’un club d’échecs. Il est grand-père d’une petite Marine. En 1989, Caroff commence à souffrir d’importants problèmes de vue. Sa première femme, Caroll, est décédée en 2002. Danièle, sa deuxième épouse, meurt en 2006. Il est bientôt opéré de la cornée et retrouve ainsi une meilleure vision.
Quelques uns de ses livres ont été portés à l’écran (Le Battant, avec Alain Delon) ou à la télévision (Une cible dans le dos, avec Bernard Le Coq et Pour l’honneur du mitan, sous le titre Le Truqueur, avec Raymond Pellegrin).
André Caroff a donné à lire de très nombreux romans dans les collections « Spécial-Police », « Espionnage » (l’agent secret Paul Bonder), « Angoisse » (la série des Mme Atomos) et « Anticipation » du Fleuve Noir. Les aventures de Mme Atomos ont été rééditées chez Rivière Blanche et continuées, dans la même maison, par un nouvel auteur. Elles ont aussi été adaptées en bandes dessinées dans la revue Atomos, autrefois publiée par Aredit.
Le style de Caroff
Au vrai, il est trop aisé d’associer un auteur à ses séries. Si l’on connaît Caroff pour Mme Atomos et pour Bonder, néanmoins, ses romans noirs, bien peu orthodoxes, méritent d’être lus. On parlera donc ici, uniquement, des récits parus dans la collection « Spécial-Police ».
Si, au début des années 60, l’auteur hésite encore un peu, reproduisant le schéma classique d’un meurtre commis au début du roman, sur lequel enquête un policier (Mort d’un libraire, Des gants pour la peau), à l’opposé, dans les dernières années 60, le style de Caroff s’affermit et les livres des années 70 et suivantes, eux, sont ceux de la maturité narrative et du triomphe de l’imagination, avec des titres qui doivent parfois être pris au pied de la lettre (Les Yeux de la tête). Les histoires présentent des intrigues toujours solides et – c’est sa marque – emplies de rebondissements. Si l’on devine un peu la chute d’Une cible dans le dos, ce n’est pas parce que l’histoire est faible, mais uniquement parce qu’à un certain stade du livre et compte tenu du nombre de pages restant à lire, il ne peut en aller autrement. L’auteur ne tire pas à la ligne, ses œuvres sont relativement longues, souvent imprimées plus serré que celles de ses confrères, comme le très bon mais hélas monotone Claude Joste (avec son commissaire Jérôme Thiébaut) dont les récits, toutefois bien écrits, sont plus courts et reprennent dans l’ensemble des schémas identiques en variant uniquement les milieux. L’écriture de Caroff est vive, nerveuse, et ses romans ne se ressemblent pas car il ne tire pas de ficelles : même lorsque le personnage central est dans la même position (un truand sortant de Centrale, par exemple), les romans qui le mettent en scène sont radicalement différents (Le Battant, La Gamberge). Ses « durs » demeurent toujours humains (Padirac, dans La Douloureuse) et voguent souvent au gré de leurs mésaventures en tenant jusqu’au bout des rênes qui leur échappent. Si le lecteur du Battant va de surprise en surprise, celui de La Gamberge conserve, la dernière page tournée, une impression de bloc compact, dense, dur, épais, avec une chute réellement inattendue.
On peut certes estimer que la fréquence des rebondissements est une technique comme une autre qui, par conséquent, constitue justement une ficelle. Il reste qu’il faut être capable d’imaginer les rebondissements en question. Il faut aussi avoir le culot d’interrompre son récit p. 101 pour, sous le titre « Interlude », s’adresser directement au lecteur dans une page imprimée en italique, afin de faire le point avec lui sur le cours des événements et ce à quoi il devrait s’attendre dans la poursuite logique de l’intrigue (Traquenards à Syracuse).
Les personnages empruntent souvent des taxis – souvenir évident de l’ancien métier de l’écrivain, qui décrit des itinéraires parisiens fréquents et complets. Un volume de la collection « Angoisse », paru en 1961, s’intitule précisément Le Dernier taxi. À l’évidence, Caroff parle de ce qu’il connaît bien, mais il ne craint pas, cependant, de prendre quelques risques en changeant d’horizon (Traquenards à Syracuse se déroule à New York, Un certain Giorgio à Naples, Le Rat de Rio au Brésil).
Caroff laisse une bibliographie fort conséquente qui, à ma connaissance, n’a pas été établie dans son intégralité. On parle toutefois de deux-cents romans, rien de moins. Un taxi l’a emporté dans la nuit, un taxi de jadis, de ceux qui avaient un compteur fixé à l’extérieur, près de la vitre du conducteur. Lorsqu’il chargeait un client, le chauffeur abaissait manuellement un petit rectangle métallique : il montrait ainsi qu’il n’était pas libre.
Titres de la collection « Spécial-Police » (Fleuve Noir éditeur) cités dans l’article :
Mort d’un libraire, n° 395, 1964.
Des gants pour la peau, n° 420, 1964.
Traquenards à Syracuse, n° 672, 1968.
Le Rat de Rio, n° 646, 1968.
La Douloureuse, n° 741, 1969.
La Gamberge, n° 898, 1971.
Les Yeux de la tête, n° 973, 1972.
Le Battant, n° 1066, 1973.
Un certain Giorgio, n° 1116, 1974.
Une cible dans le dos, n° 1560, 1980.
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mardi, 14 juillet 2015
Ombres présentes
Le taulier et la taulière sont toujours là, ils vous observent. Ne croyez pas que la rue Franklin soit une voie supprimée. On ne sait jamais quelles ombres nous regardent.
Photo Mireille Layani
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